urant ses deux heures d’audition devant la Commission des affaires économiques ce mercredi 7 février, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a été interpelé deux fois sur ses arbitrages sur la mise en œuvre du fonds d’urgence au vignoble l’aide au vignoble gascon par le député David Taupiac (Gers, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). « 25 millions € sont nécessaires dans le Gers face au mildiou, nous en aurons finalement 5 sur les 80 millions € » critique le député de Condom, qui cite le fonds d’urgence de 80 millions € annoncé ce 31 janvier et précisé ce 2 février* par Marc Fesneau, afin de prendre en charge une partie des pertes de récolte et déployer une année blanche bancaire (en rallonge du fonds de 20 millions € adopté par l’Assemblée Nationale à l’initiative du député gersois de la majorité Jean-René Cazeneuve). Devant ouvrir ce lundi 5 février grâce une circulaire envoyée en urgence, le dispositif reste encore en suspens, une instruction nationale étant attendue pour clarifier certains points selon des sources préfectorales évoquant des réunions toute la semaine entre administration et représentants du vignoble.
Dans l’immédiat, il semble que cette aide soit soumise à « la règle des minimis [NDLA : un plafond européen de 20 000 € d’aides sur 3 ans] qui reste un saupoudrage et rend le dispositif inapplicable et injuste pour les viticulteurs » tance David Taupiac, qui n’aura d’abord que des réponses de Marc Fesneau sur ses autres questions (loi d’avenir agricole, clauses miroirs, assurance récolte…). « En bon gascon, je suis têtu » lance David Taupiac en revenant à l’assaut sur sa question en fin d’audition. Rappelant ses courriers, interpellations en séance et amendements législatifs, le député demande « comment faisons-nous pour accompagner nos exploitants ? Ces 80 millions répondent aux problèmes de l’Aude et de l’Hérault où là c’est plutôt la sécheresse. Il faut des engagements beaucoup plus forts. »


Evoquant des demandes de « 20 millions par-ci, 300 millions par-là », Marc Fesneau répond « très tranquillement : on ne peut pas me dire c’est 20 millions et c’est comme ça. Il faut le documenter. On a essayé de répondre à quelque chose qui n’était pas normalement dans le stock : le mildiou. Parce que les assurances ne couvraient pas et que rien ne le couvrait. On a intégré le mildiou, y compris pour le Gers. On va regarder les dossiers, on en reparlera. » Ce qui laisse visiblement David Taupiac sur sa faim, le député gascon proposant des montants rallongés pendant la réponse du ministre. Il aurait également pu évoquer l’étude de la Chambre d’Agriculture du Gers sur les dégâts de milidou ce millésime 2023, aboutissant à l’estimation des 25 millions €.
Autre question viticole soulevée pendant l’audition : celle de l’importation française des vins d’Espagne. Alors que la situation viticole reste « explosive » dans l’Aude (au sens propre), le député Christophe Barthès (Aude, Rassemblement National) fait part de « zones d’ombre [qui] persistent sur la concurrence des vins espagnols. Les viticulteurs ont besoin de clarté, au risque de voir les manifestations et les blocages se multiplier. Plus de 4 millions d’hectolitres de vins sont importés chaque année d’Espagne. Nous savons pourtant que la viticulture espagnole utilise des produits phytosanitaires interdits en France et que la viticulture vit une crise majeure. Monsieur le ministre, comment se fait-il que le vin espagnol puisse rentrer sur le territoire français sans aucun contrôle sanitaire qui permettrait de diminuer drastiquement cette concurrence déloyale ? Notamment pour les viticulteurs du Sud de la France et particulièrement pour ceux de l’Aude. »
« Il y a un certain nombre d’opérateurs, y compris français, qui jouent un jeu que l’on va regarder, y compris en termes de contrôles, qui profitant de la crise font rentrer des vins d’Espagne » répond Marc Fesneau, qui ne veut pas jeter l’opprobre sur les filières espagnoles : « mais il y a des acteurs français dans le jeu. On ne va pas se raconter l’histoire, il faut que chacun prenne ses responsabilités sur ce qui se passe. Mais n’allons pas dire que c’est la faute des Espagnols. » Approche que réfute Christophe Barthès, mais que Marc Fesneau maintient : « vous avez un peu dit ça, pardon ».
* : Comme précisé lors de la visite ministérielle dans l’Hérault : cette aide conjoncturelle du fonds d’urgence sera échelonnée de 5 000 à 20 000€, selon les situations, lorsque le chiffre d’affaires et la production ont diminué. « D’un côté, le dispositif lié à l’aspect sanitaire et climatique pourra, à l’appréciation de chaque département, comparer la perte de récolte de 2023 avec la meilleure récolte entre 2018 et 2022 » détaille Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, « de l’autre côté, l’année blanche permettra au viticulteur de reporter ses annuités en fin de tableau auprès de sa banque, avec les frais et intérêts pris en charge par le fonds d’urgence ». Le cumul de ces deux dispositifs ne pourra pas aller au-delà de 20 000 € par exploitation, avec une gestion départementale pour correspondre aux spécificités du terrain. « Que ce soit dans le cadre d’une perte de récolte liée aux aléas ou d’une perte de chiffre d’affaires ou d’excédent brut d’exploitation, ce sera un minimum de 20 % de pertes pour entrer dans le dispositif » ajoute Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France.