Jean-René Cazeneuve : À l’origine de cet amendement il y a des échanges avec agriculteurs gersois. Le Gers est riche de sa viticulture : Armagnac, Côtes de Gascogne, Saint-Mont, Madiran… Les viticulteurs locaux m’ont alerté sur leurs difficultés et j’y suis d’autant plus sensible qu’ils ont été marqués par le gel et la grêle les deux années précédentes. En partant de ce principe, j’ai proposé un premier amendement créant un fonds d’urgence dans le projet de loi de finances pour 2024. Il a été adopté en commission, mais n’a pas été retenu dans le 49.3 du gouvernement parce que j’étais en discussion avec le ministère de l’Agriculture pour mettre ce fonds d’urgence dans le projet de loi de finances de fin de gestion. Ce projet de loi permet d’ajuster les dépenses de fin d’année en fonction de l’atterrissage budgétaire. Son intérêt est de permettre la mobilisation rapide des fonds. Ayant la chance d’être le rapporteur du budget, j’ai eu une oreille attentive du ministère de l’Agriculture et de Bercy.
Soutenant votre initiative dans un communiqué le jeudi 9 novembre, le ministère de l’Agriculture explique qu’il est impossible de limiter ce fonds d’urgence aux domaines touchés par le mildiou : partagez-vous cette lecture ?
Effectivement, il y a eu une modification rédactionnelle dans l’amendement pour ajouter une ouverture aux domaines touchés par la sécheresse.
Si le déploiement de fonds d’urgence est augmenté aux vignobles touchés par la sécheresse, la grêle et les revers commerciaux, les 20 millions d’euros prévus suffiront-ils ?
Le montant de 20 millions d’euros est indicatif. Il est encore tôt pour savoir quelles pertes de récolte seront liées au mildiou, ou plutôt à l’excès d’eau. On parle d’un fonds d’urgence qui va s’adapter. Les montants seront actualisés : c’est une mise de départ qui s’adaptera aux montants disponibles et à la dépense réelle. Tout ça a été fait très rapidement. Et on rentre dans le cadre des minimis individuels [NDLR : un plafond européen de 20 000 € sur trois ans par domaine viticole].
Comment imaginez-vous la mise en œuvre de ce fonds d’urgence : sur quels critères, sur quel calendrier ?
C’est au ministère de travailler ce fonds d’urgence, qui peut être mis en paiement très rapidement. L’objectif est d’avoir de premiers paiements en début d’année, en janvier 2024. Pour les critères, les discussions vont être menées entre le ministère et les professionnels pour se baser sur les baisses de rendements.
Quelles sont les prochaines étapes législatives pour ce fonds d’urgence ?
L’amendement va passer au Sénat et va revenir à l’Assemblée. Il peut y avoir des modifications dans la navette parlementaire, mais vu le large accueil positif qu’il a reçu [parmi les députés], je n’ose pas croire que quiconque voudrait l’abîmer. Je lui prévois une longue vie.
Quelle est votre vision de la position des assureurs qui n’ont pas pris en charge les dégâts de mildiou ce millésime 2023. Est-ce un constat d’échec pour cette première année d’application des nouveaux contrats MultiRisques Climatiques (MRC) ?
Je ne suis pas satisfait par la réponse des assureurs. Pour la première année du nouveau système, ça fait désordre. Je soutiens la réforme qu’a porté le député Frédéric Descrozaille (Val de Marne, Renaissance), je l’ai votée et c’est un très bon modèle. Mais il est dommage de ne pas répondre aux besoins dès sa première année. Un travail est mené en parallèle avec les assureurs pour faire évoluer le dispositif. À ce stade, une lecture au pied de la lettre exclue les pertes liées au mildiou. Ce n’était pas prévu, c’est un trou dans la raquette. Vu l’impact sur un certain nombre de viticulteurs, il faut voir si une modification est nécessaire. Il faut voir si les assureurs peuvent abonder un fonds d’urgence. C’est une piste.
Les dégâts d’aléas climatiques sont inégalement répartis : certains sont touchés, d’autres non. J’aimerais que les interprofessions réfléchissent à une forme de fonds de solidarité entre bassins viticoles pour qu’il y ait un partage des dégâts face au risque de multiplications des aléas climatiques. Il y a un rôle de l’État, un rôle des assureurs et aussi un rôle des professionnels : j’aimerais un fonds de solidarité entre vignobles.