l ne faut pas désespérer Billancourt, ni les parlementaires gersois ! Portée par le député Jean-René Cazeneuve (Gers, Renaissance) ce mercredi 8 novembre lors des discussions sur le projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024), la création d’un fonds d’urgence de 20 millions d’euros « pour accompagner les viticulteurs les plus en difficulté de trésorerie suite à l’épisode de mildiou » (notamment dans le Sud-Ouest : Dordogne, Gironde, Gers…) ne se limitera pourtant pas aux seules exploitations violemment mildiousées. Soutenant l’initiative du député du Gers, un communiqué des ministères de l’Agriculture et de l’Économie annonce ce jeudi 9 novembre « mobiliser 20 millions d’euros pour déployer, dès à présent, un fonds d’urgence afin d’accompagner les viticulteurs les plus en difficulté de trésorerie, notamment dans le Sud-Ouest » et en particulier le « Gers, département confronté notamment à des épisodes de mildiou ». Une formulation bien diplomate pour ménager la chèvre et le chou : reconnaître le fort poids de négociation avec Bercy du député Jean-René Cazeneuve, en tant que rapporteur général du budget, tout en annonçant l’élargissement de l’aide à tous les vignerons dans une mauvaise passe financière, avec pour seul critère d’entrée des difficultés de trésorerie et non une forte attaque cryptogamique.
Plus clairement, le ministère de l’Agriculture explique à Vitisphere qu’il y a eu « une enveloppe qui a été discutée principalement entre Gersois au départ, avec un fait générateur qui était une grosse crise de mildiou dans le Gers. On l’a dit, on ne peut pas avoir une aide dont le fait générateur est une maladie sanitaire qui n’est pas réglementée, ce qui est le cas du mildiou. » Et comme ce fonds d’urgence aura une entrée purement économique, encore à définir, son accès sera ouvert aux producteurs faisant face des difficultés climatiques (grêle, sécheresse…) ou financières (commercialisation en berne, marchés non rémunérateurs…) : « le mildiou ne sera pas l’alpha et l’oméga de ce fonds » résume-t-on rue de Varenne.


De quoi clarifier le message pour le moins brouillé de cette aide exceptionnelle. « J'ai demandé au ministre [NDLR : Marc Fesneau] avec beaucoup de fermeté que l'ensemble des difficultés économiques soit bien pris en compte dans le cadre de la mesure du fonds d'urgence pour l'ensemble des territoires viticoles » indique Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui ajoute : « je veillerai à une répartition juste en fonction des difficultés accentuées par le mildiou, la sécheresse, la grêle amenant des situations très difficiles pour les viticulteurs et particulièrement les plus jeunes. » Ayant l’objectif de déployer cette aide au plus vite, le ministère espère pour sa part réaliser de premiers paiements dans les prochains mois. L'aide sera également soumise au plafond du régime des minimis agricoles (un crédit européen limité à 20 000 € sur trois ans glissants, utilisé par d'autres aides récentes).
Si les discussions avec les assureurs sont enterrées pour la prise en charge du mildiou comme conséquence des excès d’eau/d’humidité ce printemps*, celles sur une aide à l’adaptation des vignobles touchés par la sécheresse dans le Midi (Aude, Hérault et Pyrénées-Orientales) se poursuivent. Au-delà des aides fiscales et sociales (exonérations de TFNB et de cotisations MSA décidées localement), le ministère confirme des « réflexions en cours sur l’accompagnement des filières en lien avec des stratégies plus structurelles. La question dépasse la viticulture dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, ce territoire manquant d’eau et d’accès à l’eau (les Pyrénées-Orientales sont en restriction d’eau depuis quasiment 18 mois). C’est toujours la ligne du ministre : on accompagne sur une difficulté conjoncturelle et dans le même temps on regarde les éléments structurels pour agir dessus et faire en sorte que l’on améliore la résilience et la souveraineté de nos filières. »
Reste à savoir si ces outils d’adaptation au changement climatique seront annoncés avant ou après la manifestation du samedi 25 novembre organisée à Narbonne par le Syndicat des Viticulteurs de l’Aude. Après la distillation de crise de 200 millions d’euros cette année, ce fonds d’urgence est une nouvelle annonce pour soutenir la filière vin. Il ne faut pas désespérer Billancourt, ni les vignerons audois…
* : « Le mildiou est une cause sanitaire dans les textes » précise le ministère de l’Agriculture, pointant que « le mildiou n’est pas une conséquence directe des aléas climatiques au sens juridique. C’est une conséquence indirecte ». Ne peuvent entrer en jeu ni les assureurs, ni la solidarité nationale (le troisième étage du nouveau régime contrat MultiRisque Climatique).