e n’est pas peu dire que la fin de non-recevoir des assureurs aux demandes de couverture des dégâts de mildiou ce millésime 2023 ne passe pas dans le vignoble. « On est sur la première expérience de ce nouveau système qui doit être vivant et évolutif. Ce n’est pas un trou dans la raquette, c’est un aléa majeur » alerte Christophe Bou, le vice-président de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO), pour qui « vu la calamité qui s’abat sur tout le Sud-Ouest (Bordeaux, Bergerac, Cahors, Gers…), il faut un accompagnement assurantiel. La solidarité nationale, on y est ! » Bloquant la prise en charge des 20 à 50 % de pertes de récolte par les nouveaux contrats assurantiels MultiRisque Climatique (MRC), le refus des assureurs empêche également le déclenchement du volet de solidarité nationale, au-delà de 50 % de dégâts. Une impasse qui n’est pas tolérable pour la filière vin (et le MODEF, voir encadré).
« On ne baisse pas les bras et on n’a pas à les baisser comme représentants de la filière » souligne Éric Chadourne, le président de l’Interprofession des Vins de Bergerac et Duras (IVBD), qui rappelle l’étendue généralisée des dégâts : « tout le monde est touché, quelques soient les pratiques culturales, les programmes de traitement, les machines de pulvérisation… C’est lié à ce climat tropical humide que l’on a vécu en mai et juin. »


« À cause de sa virulence et de son développement, les dégâts macroéconomiques à l’échelle des différents bassin viticoles et microéconomiques à l’échelle des exploitations sont particulièrement importants » prévient une lettre envoyée le 27 juillet dernier par les présidents de l’IVSO, de l’IVBD et du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (Allan Sichel, CIVB) au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. « Seule l’activation du nouveau dispositif associant régime assuranciel et solidarité parait, comme vous en faisiez le constat lors de votre visite en Gironde, à la hauteur de la situation » alertent les trois présidents, avertissant qu’« un échec de cette activation nous renverrait tous devant le triste constat d’un système nouveau, plus cher pour les assurés, qui ne fonctionne pas, ni pour sa partie assurancielle, ni pour sa partie solidarité nationale, quand les assurés en ont besoin ».


Dire face à un coup dur que « ça ne rentre pas dans la case, ce n’est pas entendable. Une bonne assurance est gagnant-gagnant. On parle d’impacts majeurs : 90 à 100 % de pertes sur certaines parcelles » ajoute Christophe Bou, pour qui « il faut faire vivre cette assurance de protection. Des exploitations sont à leur troisième aléas majeurs : ce serait dramatique et irréversible de ne pas les soutenir. » Si les assurances se basent sur une vision réglementaire du contrat MRC, « la porte n’est pas totalement fermée, même si les assureurs ne veulent pas l’ouvrir. On s’en doutait, ça ne sera pas facile, mais ce n’est pas joué » espère Stéphane Gabard, président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur, pour qui « le sujet n’est pas plié, il faut déclarer le sinistre ».
Incitant « tout le monde à déposer une déclaration de sinistre », Éric Chadourne philosphe : « c’est quand ça va mal que l’on peut voir les partenaires sur qui compter. Il n’y a rien de mieux pour démolir le nouveau système sa première année d’application. C’est une question de survie pour la filière. Et une question de fond : si ça recommence, comment fera-t-on ? On est au pied du mur : est-ce une mauvaise série ou le réchauffement climatique ? »
Aux assureurs et au ministère de revoir la copie pour la filière vin, qui plaide pour une action des contrats MRC et de la solidarité nationale. « On est dans un cas extrême. Beaucoup de vignerons se détourneront de l’assurance si elle ne fonctionne pas » annonce Christophe Bou, reconnaissant que « rien n’est jamais parfait, mais si au aléa exemple inattendu on abandonne, que l’on dit que ce n’est pas dans les clous, ce n’est pas la peine. Il faut s’engager à construire ensemble un filet de protection. »
Dans un communiqué ce 2 août, le syndicat agricole estime que face à la pressio mildiou du millésime, "l’État n’est pas à la hauteur de cette catastrophe !" Et de demander "en urgence l’intervention de l’État, via la solidarité nationale, en activant le troisième étage "les aléas exceptionnels" de la nouvelle assurance récolte y compris pour les agriculteurs non assurés." Rappelant s'être opposé à la réforme de l'assurance récolte, le syndicat estime que "le déploiement de l’assurance multirisque climatique 2023 montre déjà ses limites. La privatisation du système de garantie des calamités agricoles a pour effet d’accentuer les disparités de revenus dans une philosophie toujours plus individualiste."