in de non-recevoir. Accueillis ce jeudi 27 juillet en fin de journée par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, les assureurs ferment unanimement toute discussion sur la prise en charge des dégâts viticoles de mildiou dans les contrats MultiRisques Climatiques (MRC) au titre d’aléas exceptionnels (notamment les abats d’eau empêchant tout traitement phyto, comme le demande la filière vin). « Les conditions générales du contrat MRC sur récolte, qui respectent un cahier des charges réglementaire, sont très claires » explique Franck Le Vallois, le directeur général de la fédération française des assureurs (France Assureurs), qui précise que seuls les dommages directs d’un aléa climatique peuvent être couverts (voir encadré pour l’entretien complet).
Le porte-parole des assureurs détaille ainsi que « sont couverts les dommages directs causés par l’excès d’eau et l’humidité excessive. L’excès d’eau correspond à un cumul de précipitation générant des dommages directs : fissures de grains, chutes de grappes, asphyxie racinaire… L’humidité excessive est définie comme une humidité relative de l’air trop importante, de nature à générer la germination sur pied des céréales à paille. » Cette sinistralité ne concerne donc pas le vignoble.
Se basant sur la réglementation de la nouvelle assurance climatique (en vigueur depuis ce premier janvier 2023), Franck Le Vallois ajoute que « le contrat MRC ne couvre pas la perte de récolte liée au mildiou. D’autant plus que ses conditions générales prévoient l’exclusion des dommages causés par des maladies. Le cahier des charges réglementaire qui s’impose à tous précise également que les conséquences de l’inefficacité d’un traitement ou de l’incapacité à traiter ne sont pas prises en charge. Le mildiou ne rentre donc pas dans le cadre du cahier des charges réglementaire, qui a fait l’objet de discussions approfondies avant d’être adopté. »


« Leur position va créer une catastrophe. Ça va être dévastateur. C’est un rendez-vous manqué dans les grandes largeurs » s’étrangle Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateur, rapportant que les vignerons sont à dans tout le grand Sud-Ouest (à Bergerac et Bordeaux, en Gascogne, dans le pays basque…). Pour le viticulteur gascon, « les assureurs ont unanimement décidé de faire un grand bras d’honneur à tout le vignoble ! Ils sont désespérants, totalement hors-sol et déconnectés de ce qui se passe sur le terrain. »
La déception de Joël Boueilh est à la hauteur de sa défense passée de l’assurance récolte. « Ils tuent instantanément le contrat assurantiel. La solidarité nationale n’existera pas » fulmine le coopérateur de Saint-Mont (Gers), pointant qu’« avec le nouveau système assurantiel qui se met en place, aujourd’hui c’est la reconnaissance de l’aléas climatique par l’assureur [NDLR : avec une prise en charge de 20 à 50 % de perte de récolte] qui déclenche la solidarité nationale [NDLR : au-delà de 50 % de dégâts]. Y compris pour les non-assurés. » De quoi remettre en cause l’idée même d’assurance pour Joël Boueilh, qui est couvert par un contrat depuis son installation depuis 30 ans. Pour lui, les assureurs « ne seront pas surpris que les gens considèrent qu’ils ne servent plus à rien. Ils sont là pour encaisser les primes d’assurance et sont aux abonnés absents pour le mildiou. C’était l’occasion pour les assureurs de montrer qu’ils sont là et ils privilégient la logique financière. Qu’ils soient tranquilles, ils n’auront bientôt plus personne à assurer. »
Pour Franck Le Vallois, il ne peut y avoir des débats en dehors de la loi : « le cahier des charges s’inscrit dans le cadre de la réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2023. On ne peut pas le détourner de ses objectifs et indemniser un risque qui n’est pas couvert. » Le directeur de FranceAssureurs reconnaît cependant que « la situation est problématique voire catastrophique pour de nombreux viticulteurs, en raison des conditions météorologiques favorables au développement du mildiou ». Seule ouverture des assureurs, dans le cadre plus global du changement climatique, ils « sont prêts à participer à des travaux de réflexion » évoque Franck Le Vallois, citant l’une des solutions partagées hier avec le ministre « consisterait à faire jouer le fonds national agricole de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE) ».
Évoquer le FMSE revient à botter en touche pour Joël Boueilh : « bon sang ça sert à quoi de s’assurer ? » Le président des Vignerons Coopérateurs ajoute que l’approche des assureurs va à rebours des engagements agroécologiques dans le vignoble. « Les vignerons certifiés bio et HVE (Haute Valeur Environnementale) engagés dans des démarches d’amélioration de l’impact environnemental seront morts demain : ils font l’effort d’optimiser leurs traitements et ne vont quasiment rien récolter cette année. La prime est donnée à tous ceux qui ont traité tant qu’ils ont pu, sans se soucier de l’environnement » regrette Joël Boueilh. Et de conclure : « c’est un bras d’honneur, ils nous disent de nous débrouiller, ce n’est pas de notre ressort. Je n’imaginais pas une seconde qu’ils auraient cette réponse. »
Vous avez rencontré hier le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Quelle est la réponse de France Assureurs à la demande de vignerons pour que les pertes de récolte liées au mildiou soient en prises en charge comme "excès d’eau" par les assurances MultiRisques Climatiques (MRC) ?
Franck Le Vallois : La situation est problématique voire catastrophique pour de nombreux viticulteurs, en raison des conditions météorologiques favorables au développement du mildiou. Nous comprenons parfaitement leur situation : une partie significative de leur production risque d’être perdue. Ces pertes de rendement seront mesurées au moment de la récolte, en fin de saison. A la question de la mise en œuvre de la garantie dans le cadre du contrat MRC sur récolte en raison du mildiou, l’ensemble des assureurs a répondu à l’unisson hier au ministre. Les conditions générales du contrat MRC sur récolte, qui respectent un cahier des charges réglementaire, sont très claires. Sont couverts les dommages directs causés par l’excès d’eau et l’humidité excessive. L’excès d’eau correspond à un cumul de précipitation générant des dommages directs : fissures de grains, chutes de grappes, asphyxie racinaire… L’humidité excessive est définie comme une humidité relative de l’air trop importante, de nature à générer la germination sur pied des céréales à paille.
Dans le cas des vignobles du Sud-Ouest, le mildiou s’est développé en raison de conditions météo propices, c’est-à-dire l’alternance de pluies et de chaleur. Il ne s’agit donc pas de dommages liés un excès d’eau ou à une humidité excessive tels que définis dans le contrat MRC.
La réponse est donc ferme, il n’y a pas de négociation possible : ces dégâts ne seront pas pris charge ?
En effet, le contrat MRC ne couvre pas la perte de récolte liée au mildiou. D’autant plus que ses conditions générales prévoient l’exclusion des dommages causés par des maladies. Le cahier des charges réglementaire qui s’impose à tous précise également que les conséquences de l’inefficacité d’un traitement ou de l’incapacité à traiter ne sont pas prises en charge. Le mildiou ne rentre donc pas dans le cadre du cahier des charges réglementaire, qui a fait l’objet de discussions approfondies avant d’être adopté. Ce cahier des charges s’inscrit dans le cadre de la réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2023. On ne peut pas le détourner de ses objectifs et indemniser un risque qui n’est pas couvert.
Pour autant, nous comprenons la détresse des viticulteurs impactés par le mildiou. Le développement de cette maladie de la vigne peut être vu comme l’un des nombreux effets du dérèglement climatique. Les assureurs sont prêts à participer à des travaux de réflexion pour trouver des solutions aux problèmes générés par le dérèglement climatique. Cela étant, ces solutions ne peuvent pas être uniquement de nature assurantielle : nous l’avons dit hier au ministre, que je remercie pour sa qualité d’écoute. L’une des solutions consisterait à faire jouer le fonds national agricole de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE). La section viticole de ce Fonds intervient actuellement sur la flavescence dorée, mais il a été mis en place pour faire face, plus largement, aux risques sanitaires. Il y a donc des pistes à explorer. Une instance légitime pour mener ce travail serait la Commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (CODAR).
En cas de non-reconnaissance comme aléa assurable du mildiou par les assureurs, cela aura-t-il un impact sur l’accès des vignerons assurés au troisième étage d’assurance "coup dur" de la nouvelle assurance récolte ?
Le sujet n’a pas été abordé hier.
Concernant les prises en charge des effets du dérèglement climatique, la prise en compte de mesures de prévention (par exemple contre le gel et la grêle) s’y inscrirait-elle ?
C’est un autre sujet que le mildiou. Oui, vous avez raison, la clé face au dérèglement climatique réside dans la prévention. L’enjeu est de mettre toutes les parties prenantes autour de la table : assureurs, réassureurs, agriculteurs, instituts techniques, pouvoirs publics… pour trouver tous ensemble des solutions concrètes.
Quelle est la position de France Assureurs sur les demandes du vignoble de redéfinir le calcul de la moyenne olympique, en se basant sur un pas de temps plus long et de ne prendre en compte que les millésimes sans aléas climatiques ?
C’est une demande régulièrement formulée par la profession agricole, mais qui n’a pas été abordée hier avec le ministre. Les pouvoirs publics ont engagé des travaux sur cette question. Il nous paraît important que nous puissions les partager au sein de la CODAR.
"Nous comprenons la détresse des viticulteurs impactés par le mildiou" indique Franck Le Vallois. Photo : FranceAssureurs.