n 2023, le vignoble AOC de Bergerac et des Côtes de Duras tombe à 10 400 hectares, soit une perte de 400 ha en un an. Avec une diminution répartie sur les AOC de Bergerac (-300 ha à 9 500 ha) et Duras (-90 ha pour 900 ha), mais touchant aussi l’IGP Périgord (450 ha en tout) et les vins de France de la zone (800 ha). « On perd régulièrement des surfaces, c’est une courbe continue sans signe d’inflexion » indique à Vitisphere Éric Chadourne, le président de l’Interprofession des Vins de Bergerac et Duras (IVBD), à l’occasion de la journée filière des vins de Bergerac et Duras, ce 22 janvier au centre CITFL de Lanxade (Dordogne).
Pointant des « chiffres commerciaux équilibrés » par défaut de stock (pour cause de petites récoltes depuis 2018, avec le millésime 2023 qui marque un nouveau plancher), Éric Chadourne rapporte que ce vignoble du Sud-Ouest « a perdu ce que l’on ne valorisait pas trop, ce que l’on ne vendait pas. Les productions à 35-40 hl/ha de vin en vrac rouge pour moins de 800 euros le tonneau : ça ne peut pas durer longtemps. Le problème au niveau des exploitations, c’est la rentabilité. Ce n’est pas nouveau. » Avec 45 % des surfaces de Bergerac et Duras en blanc, l’interprofession se veut optimiste pour ses opérateurs. Qui sont particulièrement agiles pour répondre aux évolutions de la demande.


En témoigne Laurent Leyx Valade, le responsable technique du vignoble de l’union coopérative Berticot, qui teste des blancs de noirs, des bulles, du vin orange, du vin sans alcool, de nouveaux cépages résistants au mildiou… Et des profils plus modernes de vins rouges, plus fruités et faciles. Ce qui n’est pas sans surcoût prévient Caroline Fleur, la directrice du réseau Œnocentre. L’œnologue conseil prévient en effet que « produire des vins plus légers coûte plus cher : il faut des frigories (thermorégulation ou unité de froid mobile), de la thermovinification (impensable pour une propriété, coûtant 4 à 5 €/hl en prestation), une extraction douce (en se dotant d’une machine à air), des élevages atypiques (amphores, œufs…). »
Des investissements pourtant indispensables afin de conserver des débouchés dans un marché du vin en pleine transfiguration. « On est en train de perdre du terrain. Les volumes s’effondrent. C’est une réalité, vous y êtes tous confrontés » pointe Stéphanie Piot, la responsable des relations institutionnelles de Vin & Société. Consommant autour de 24 millions d’hectolitres actuellement, le marché français du vin devrait se réduire à 18-20 millions hl d’ici 2034 (après avoir chuté des 29 millions hl de 2010) du fait des évolutions démographiques et des modes de vie.
« La question du potentiel de production du vignoble est une question absolument cruciale pour notre avenir à tous. Mais à côté de cette gestion de l’offre, il faut s’intéresser à la demande de vin d’aujourd’hui et de demain » souligne Stéphanie Piot, pour qui « il faut s’intéresser à la nouvelle génération qui a parfois des attentes un peu bizarres. Il faut les écouter et s’adresser à ces cibles qui sont nos consommateurs de demain. » L’experte conseille de rajeunir les visages de la filière vin dans sa communication, pour tendre un miroir d’identification aux jeunes consommateurs, et d’utiliser de nouveaux codes, tendances déco et glamour, pour parler aux femmes.
Si la déconsommation, la distillation et l’arrachage pésent sur le moral vigneron, « il faut être optimiste. Il y a des jeunes qui s’intéressent au produit. Certes, ils sont moins sur des vins classiques. Ils demandent aujourd’hui des vins plus légers, moins tanniques, plus sur le fruit et si possible pas trop alcoolisés » rapporte Christophe Hocq-Bazat, caviste de l’Intercaves Bergerac, qui en appelle à un sursaut de panache : « les jeunes s’intéressent à votre métier, à la façon dont vous faites votre vin. Il vous faut être fier de faire pousser un produit, de travailler la terre… »


« Je suis optimiste sur la capacité des vignerons à parler de leurs vins » renchérit César Compadre, grand reporter au Sud-Ouest, pour qui « l’atout fondamental de la viticulture aujourd’hui, c’est d’avoir des visages derrière les bouteilles ». Le journaliste en veut pour exemple la nouvelle campagne du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). En attendant, à Bergerac... « Ça va être compliqué. Nous perdons des troupes et de la richesse. Mais on peut avoir confiance » conclut Éric Chadourne.