e vent de renouveau des vins de Bordeaux ? Ce sont ses opérateurs qui en parlent le mieux ! Et rendent immédiatement caduc le Bordeaux bashing… « Avec la diversité de cuvées aujourd’hui disponibles à Bordeaux, il n’est pas possible de dire "je n’aime pas Bordeaux" ! » pose Pascal Boissonneau (sixième génération des vignobles Boissonneau, 50 hectares de vignes bio dans l’Entre-deux-Mers). Mais « les gens ne nous connaissent plus assez » regrette-t-il : « nous sommes des gens normaux. Il y a des grands crus qui tirent Bordeaux, mais nous avons tout un cœur de gamme qui n’est pas assez reconnu par les consommateurs. »
Pourtant, il en faut peu pour briser la glace : « quand on va voir les particuliers et professionnels, notre histoire fait 80 % du travail. Quand on connaît la personne : le lien se fait » pointe Léa Terral (néovigneronne depuis 2019 au château Anseris, vignoble de 12,5 ha en conversion bio à Libourne), qui note que l’« on avait une institution bordelaise, sans doute vieillissante, qui devait rénover l’image. » Ça tombe bien, ces deux vignerons font partie des vignerons ambassadeurs de la nouvelle campagne de communication bordelaise qui veut redonner la parole et des visages aux vins girondins dans un vrai film choral.


Signée « ensemble tous singuliers » en France et « join the Bordeaux crew » à l’export, la nouvelle campagne de communication des vins de Bordeaux compte se payer l’affiche à la manière d’un blockbuster revenant après dix ans d’absence (la précédente campagne « il y a tant à découvrir » était lancée en 2014). Patchwork de terroirs viticoles et de moments de consommation, ses visuels jouent le rôle d’une bande annonce pour un film en ligne particulièrement énergique (avec des formats de 90, 30 et 10 secondes indiquant que « si Bordeaux s’écrit au pluriel, c’est que nous sommes tous singuliers »). Le tout s’insérant dans le cadre d’une plateforme de marque ayant l’ambition de jouer collectif tout en préservant les individualités (et participer à la relance commerciale alors que la crise pèse).
Dévoilés ce jeudi 18 janvier, lors du forum technique du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), ces supports de communication incarnés font passer les messages « nous créons nos vins au cœur d’une nature sauvage » pour le Médoc, « nous cultivons nos vignes comme des jardins » pour Saint-Émilion, « baignés des éléments naturels, nos vins en sont la signature » en Entre-deux-Mers, « nos vins sont beaux, nos vignerons sont bio » pour la filière bio, « ancrés dans le sol, tournés vers l’avenir » pour la démarche interprofessionnelle Bordeaux Cultivons Demain…
Les bouteilles et étiquettes visibles sur ces affiches sont fictives, pour incarner l’esprit collectif de la campagne sans faire de publicité individuelle.


Cette campagne ? « C’est hyper moderne. J’espère que cela va donner envie aux consommateurs de nous redécouvrir. Voire de nous découvrir, je ne suis pas sûre que les 25-35 ans nous connaissent... » note Léa Terral. « Notre idéal est que Bordeaux redevienne la référence auprès des prescripteurs et consommateurs. Nos vignerons sont à leur image : nous sommes de notre temps et dans la société. Il est temps de faire la mise à jour ! » s’enthousiasme le vigneron Pierre Henri Cosyns, le président du Syndicat des Vins Bio de Nouvelle Aquitaine, qui participe au financement de la campagne (ainsi qu’Interbio). Un cofinancement de campagne interprofessionnelle qui est une première, attendue depuis des années par la filière bio : « le CIVB est la première interprofession à mettre en avant le vin bio. Avec 27 000 ha (47 % certifiés et 53 % conversion), la bio représente 25 % des surfaces bordelaises de vignes. C’est le département viticole où le pourcentage de bio est le plus important de France. La bio fait partie de Bordeaux » martèle Pierre Henri Cosyns.
Très réfléchie d’un point de vue marketing (voir encadré), la campagne a un objectif simple « donner envie : séduire » résume Florence Bossard, la directrice marketing du CIVB, qui prépare son déploiement lors du salon professionnel Wine Paris & Vinexpo Paris (12-14 février). Les visiteurs seront ciblés par 72 écrans dans les aéroports Charles de Gaulle et Orly (259 000 spots prévus), 155 écrans dans les gares de Bordeaux et du Nord (385 000 spots estimés), 50 panneaux et écrans dans les stations de métro (90 000 spots prévus) et les écrans géants dans le parc des expositions (31 000 spots attendus). Sans oublier la promotion sur les réseaux sociaux des vidéos de la campagne (visant 2,5 millions de vues de tout le clip) et des insertions dans la presse papier. Également soutenue par l’Union Européenne (pour la promotion des terroirs bordelais), la campagne va représenter 35 % du budget marketing de l’interprofession en étant déclinée ces prochains mois en France (lors de la Grande Tournée de mars, Bordeaux Fête le Vin en juin…) et à l’export (lors de salons professionnels et d’évènements pour le grand public).


En termes de retombées commerciales, « ce ne sera pas miraculeux » prévient Florence Bossard, rappelant que « la communication n’est qu’une partie du business, il y a aussi la qualité, la disponibilité du produit, son accessibilité… » Ce que confirme le vigneron Pascal Boissonneau : « nous savons bien que la campagne ne changera pas tout du jour au lendemain. Nous ne sommes pas hors sol. Nous connaissons tous des difficultés. Mais nous avons l’envie que ça change. Et il faut se retrousser les manches. C’est l’opportunité pour nous vignerons de parler de notre métier. » Et de porter un message dans l’air du temps.
Agence So Bang / Felipe Barbosa
Quand Florence Bossard a pris la direction marketing du CIVB en 2022, elle a repris le projet de création d’une plateforme de marque pour exprimer le renouveau de Bordeaux. Au terme de deux ans de réflexion avec des agences, membres de la filière et consommateurs*, il en ressort que le vin de Bordeaux nouveau est la somme des singularités qui font sa pluralité et sa capacité à fournir des vins pour toutes les occasions.
« L’objectif est de placer le consommateur au cœur de la vision » indique Florence Bossard, qui rappelle le contexte de crises dans lequel arrive cette campagne : « les effets de la crise covid (sur la perception individuelle de la santé), le dérèglement climatique (imposant résistance et résilience) et les tensions extérieures causes de déséquilibres (conflits, inflation, pénuries…). Il y a eu et il y aura toujours des crises à Bordeaux, là, elle est sévère. Nous devons rebondir. Notre mission est de faire des vins de Bordeaux l’un des fleurons de l’agriculture à la française dans le respect de tous les agriculteurs et acteurs. »
Le rebond et son incarnation du renouveau s’appuient sur la nouvelle plateforme de marque du CIVB : soit « un écosystème d’outils de communication permettant une communication verticale » explique la directrice marketing du CIVB, pointant la « bataille à mener par rapport au reste du panier alcoolique. Nous voulons gagner des parts de marché ! » Une volonté qui a mobilisé, l’appel à candidatures pour être ambassadeur de la nouvelle campagne a reçu les réponses de 200 opérateurs des vins Bordeaux et 50 acteurs des marchés de consommateurs. Au final, 100 professionnels se retrouvent dans la communication lancée.
* : Début 2023, un sondage en ligne a fait ressortir l’idée de « grand crew » auprès de 1 000 consommateurs et 300 professionnels en France (et autant aux États-Unis).