e 6 juillet dernier, la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire et l’ATV 49 ont organisé une après-midi technique autour de l’adaptation au dérèglement climatique, au domaine des Deux Moulins, à Juigné-sur-Loire. L’occasion pour cinq domaines viticoles acteurs, inscrits dans le projet ClimatVeg, de prendre la parole et d’échanger. À commencer par le domaine des Deux Moulins : en 2018, il lance son projet de parcelle en agroforesterie. L’idée était de planter une vigne plus résiliente. Mais pas uniquement. Yannick Fradin, chef de culture de ce domaine de 72 ha conduit en agriculture biologique, explique : « Vu le réchauffement climatique, on s’est dit qu’il pourrait être intéressant de planter des cépages méridionaux, ce que nous avons fait sur une parcelle de schistes non classée. »
Sur un champ d’environ 3 hectares, le domaine plante de la syrah, du tempranillo, du sciaccarello et du malbec, à raison de 0,7 are par cépage, chacun séparé par une haie fruitière. Les haies sont distantes de 3 mètres du premier rang de vigne. De façon à tenir compte de la concurrence des haies, Yannick Fradin voulait que ces cépages soient greffés sur un porte-greffe vigoureux.
« On a choisi le 1103 Paulsen, quitte à calmer un peu la vigne par la suite, explique-t-il. De plus, ce porte-greffe résiste bien à la sécheresse. C’est intéressant dans le contexte de réchauffement climatique ! Malheureusement, le pépiniériste n’avait pas de malbec greffé sur 1103 Paulsen. Nous nous sommes donc repliés sur des plants greffés sur SO4 ». Mais la syrah, le tempranillo et le sciaccarello, eux, sont bien greffés sur 1103 Paulsen.
Ayant subi des épisodes de gel plusieurs années de suite, le domaine a dû attendre le millésime 2022 pour effectuer sa première récolte sur cette nouvelle parcelle. Le 22 septembre 2022, il a vendangé en moyenne 10 hl de raisins de bonne maturité pour chacun des cépages. Cette récolte a eu lieu à l’occasion d’une animation commerciale que le domaine avait organisée ce jour-là. À la mise en bouteille, après quatre mois d’élevage, les vins titraient entre 12,5° et 13,5° d’alcool, pour une acidité totale comprise entre 2,82 et 3,43 g/l. Daniel Macault, propriétaire du domaine des Deux Moulins, annonce : « Les prochaines années, nous vendangerons chaque cépage à sa maturité optimale. »
Déjà, le vigneron a su valoriser son projet. « Nous proposons à la vente un coffret de ces quatre cuvées, explique-t-il. Les clients sont très intéressés par la démarche et sont curieux de trouver ces cépages atypiques dans notre région. Nous avons également pour ambition de vendre des fruits de la haie, dès que cela sera possible. »
Daniel Macault estime par ailleurs qu’il faut attendre une dizaine d’années pour trancher sur l’intérêt des cépages méridionaux dans sa région, et salue le projet ClimatVeg qui lui permet de suivre son essai de manière scientifique.
Son conseil : en agroforesterie, songez à protéger vos jeunes haies des chevreuils ! Daniel Macault déplore d’avoir perdu beaucoup de plants faute de l’avoir fait.
À Soulaine-sur-Aubance, Marc Houtin, copropriétaire du domaine de la Grange aux Belles, 10,5 ha conduits en agriculture biologique, tente une expérience de réduction de haie foliaire. Son but : conserver la fraîcheur et une certaine acidité typiques des vins du terroir angevin, tout en diminuant la teneur en alcool. « Nous ne faisons que des vins de France, explique-t-il. De plus, notre clientèle demande souvent des vins qui titrent moins. Il se trouve qu’on avait une vieille vigne de chenin qu’on a récupérée en 2012 et qui n’avait plus de palissage. C’est une vigne qu’on épointe assez court à la main, de façon à ne laisser mûrir que quatre ou cinq grappes par pied. En 2018, on a remarqué une certaine fraîcheur et de l’acidité sur cette parcelle. C’était un bon indice. »
En 2019, le domaine entre dans le projet ClimatVeg. En 2022, il teste deux modalités de réduction de la haie foliaire sur 33 ares de sa vieille vigne de chenin. Sur la première modalité, il supprime 50 % de la végétation pour ne garder que 70 cm de hauteur de feuillage, et sur l’autre, 30 % pour conserver 1 m. Les analyses réalisées durant la véraison indiquent une perte de près d’un degré d’alcool avec chacune des deux modalités, et un gain d’acidité totale de 0,3 pour la modalité rognée à 50 %, par rapport au témoin. Au moment de la récolte, aucune autre analyse n’a pu être effectuée, et les raisins n’ont pas été vinifiés séparément.
« Le résultat est assez significatif, même s’il faut continuer les mesures, indique Marc Houtin. Je suis assez convaincu que c’est une solution pour continuer à faire des chenins avec une adéquation entre bouquet aromatique, acidité et maturité alcoolique. » Reste que prudence est mère de sûreté. « On attend de confirmer ces résultats, et il nous reste à définir le meilleur moment pour réduire la haie foliaire. »
C’est un projet porté par les régions Bretagne et Pays de la Loire, qui vise à comprendre l’impact du changement climatique sur les productions végétales, et à identifier des leviers d’adaptation par le choix et la conduite du matériel végétal, la couverture du sol et l’irrigation.