u premier janvier au 18 juin 2023, la grande distribution française a commercialisé 1,84 milliard d’euros de vins tranquilles pour 290 millions de ventes en volume (UC), soit une hausse de 0,8 % en valeur pour une baisse de 15 % en volume d’après NiselIQ Scantrack. Mis à part les cidres et vins effervescents hors champagne qui résistent en volume (respectivement +0,3 à 20 millions UC et +1,8 % à 52 millions UC), tout le rayon des boissons alcoolisées se replie ce premier semestre : -20 % pour les champagnes (11 millions UC), -4,6 % pour les spiritueux (162 millions UC), -4,6 % pour les bières (à 456 millions UC)… Si les valorisations se maintiennent dans l’activité de ces linéaires (sauf pour les champagnes, -10,5 % à 245 millions €), on doit surtout y voir l’effet de l’inflation pointe Yannis Chemlal, analyste consultant pour Nielsen.
Si les rouges sont toujours les plus en baisse volumique (-6 % en volume et -2 % en valeur), les blancs semblent pâtir de leurs hausses de prix (-4 % volume et +2 % valeur), quand les rosés témoignent de leur sensibilité à une météo défavorable (-2 % volume et + 4 % valeur). Actuellement, « les vins tranquilles vont mal dans leur totalité » (de l’Alsace à la Savoie*) résume Yannis Chemlal, relevant différentes tendances : « la Bourgogne est plus inflationniste, la Provence allait bien mais est touchée par une météo moins favorable aux rosés, la décroissance structurelle des rouges se poursuit sur les vins de Bordeaux, du Rhône, du Languedoc… Seuls les rouges du Sud-Ouest se portent bien. » Suivant les Ventes Moyennes Hebdomadaires (VMH, qui mesure les litres de vin sortant d’un magasin), Nielsen permet de chiffrer concrètement la baisse d’activité au niveau d’un hyper ou supermarché sur le premier semestre.
En termes de rotation, globalement 3 800 litres sont sortis en moyenne chaque semaine d’un hypermarché ce premier semestre, soit une baisse de 4 % par rapport à l’an passé. Le Languedoc Roussillon enregistre la plus forte chute absolue, avec -50 litres (tombant à 900 l/semaine), suivi par la Provence qui chute de 20 l (à 225 l/semaine), la Bourgogne -18 l (à 84 l/semaine), la Loire -17 l à 295 l/semaine, le Rhône -11 l/semaine (à 406 l/semaine)… Bordeaux reste stable avec un peu moins de 460 l/semaine, grâce à un nombre de référence stable (à 210). En supermarché, la tendance à la décroissance est encore plus forte, avec des gadins de -21 % pour la Bourgogne, -15 % pour la Corse et le Beaujolais, -14 % pour la Provence…
« On a une consommation de vin qui continue de se réduire. Les rouges sont les plus impactés, quand les rosés stagnent et que les blancs vont mieux » indiquent pour son enseigne Stéphane Friez, responsable national de la filière vins. Faisant état de moindre régression des ventes de vin chez les Mousquetaires (-3,7 % en volume sur l’année mobile s’achevant fin mai, quand l’ensemble de la grande distribution est à -5 %), l’adhérent de l’Intermarché de Castres (Tarn) pointe l’importance d’une remise en question des rayons de vin, avec un assortiment reposant sur l’accessibilité des prix et des goûts, ainsi que sur la richesse de l’offre (1 000 références sur 2 000 m² pour son magasin). Mais Stéphane Friez souligne aussi l’hétérogénéité des commercialisations : entre développement des vins IGP standard (+2 % volume et +8 % valeur par transfert de l’AOP vers l’IGP), résistance des vins du Languedoc et de Bordeaux, effondrement de la Bourgogne (attendue par ses augmentations de prix) et du Beaujolais (le « gagnant du covid avec ses rapports qualité et prix atteint ses limite de la valorisation : le client s’en détourne ») et repli annoncé des champagnes (« les grandes marques annoncent -30 à -40 % de disponibilités, tout part à l’export »).


Tirant des enseignements de ces tendances pour le fond de rayon, la grande distribution adapte également son opération automnale des Foires Aux Vins. Indiquant bien résister à la baisse des achats de vin, l’enseigne Monoprix se donne pour objectif d’« être à l’écoute des clients, très urbains, et de suivre la tendance : croissance des vins tranquilles blancs (Loire, Bourgogne, vin de France…) et diversification de l’offre de vins effervescents en dehors de la Champagne (pour des enjeux de prix et d’approvisionnement) » indique Camille Kaczmarek, acheteuse vin pour Monoprix, le « caviste urbain de référence », qui s’adapte aussi à l’inflation (60 % de l’offre FAV est vendu entre 5 et 15 €).
Si la déconsommation reste forte, le soutien des enseignes au rayon vin reste affirmé. Son poids restant conséquent dans l’activité des grandes et moyennes surfaces. Dans les données de Nielsen, la bière devient le deuxième rayon de vente des boissons alcoolisées en GD par la valeur** (avec 28,6 % du chiffre d’affaires, +0,7 point en un an), devançant les vins tranquilles qui restent proches (28,3 %, -0,2 points) pour bien moins de volumes (29,3 % pour les vins, 46,1 % pour les bières).
* : Généralisées, les pertes concernent le Jura (400 000 litres commercialisées, -3,4 %), la Savoie (1,8 million l, -5,6 %), le Beaujolais (3 millions l, -15 %), l’Alsace (8 millions l, -4,5 %), Bourgogne (8 millions l, -17,6 %), Corse (8 millions l, -6 %), la Provence (20 millions l, -9,7 %), le Sud-Ouest (25 millions l, -0,4 %), la Loire (27 millions l, -5,2 %), Bordeaux (40 millions l, -2 %), le Rhône (40 millions l, -0,7 %), les vins sans indication géographique (51 millions l, -6,4 %) et le Languedoc-Roussillon (101 millions l, -6,5 %).
** : Les spiritueux sont premiers en valeur, avec 34,3 % du chiffre d’affaires pour 16,3 % des volumes.