lavie Loquet, directrice technique adjointe au Château de Ferrand, à Saint-Émilion, utilise depuis peu un ATP-mètre « principalement pour contrôler notre prestataire avant la mise, explique-t-elle. Cela me prend environ 30 minutes. Quand on a travaillé sur un vin pendant plusieurs années, c’est important de s’assurer qu’il n’y aura pas de souci pendant la mise ».
Vanne de cuve, tête de tuyaux, sorties de filtres, de pompes, becs de tirage… Tout y passe ! Tous les matériels en contact avec le vin subissent un test avant la mise en route de tireuse, soit environ une quinzaine de points de contrôle par tirage. Et rebelote le lendemain avant la reprise. Histoire de s’assurer de l’absence de germes, tant levures que bactéries, lors des mises.
Ces tests sont simples à réaliser. L’essentiel consiste à passer un écouvillon ressemblant à un coton-tige sur la surface que l’on veut analyser, puis de le remettre dans son tube d’origine et de briser l’ampoule de réactifs qu’il contient. Une fois ce liquide en contact avec le tampon, on insère le tube dans un ATP-mètre pour obtenir un résultat en 15 secondes.
Les résultats sont exprimés en RLU (unité relative de lumière). On considère qu’un échantillon est proche de la stérilité entre 0 et 20 RLU, très peu contaminé entre 21 et 50, peu contaminé entre 51 à 100, moyennement à fortement contaminé entre 101 et 5 000, et fortement au-delà.
Pas plus de 20 RLU
« À la mise en bouteilles, je ne tolère pas plus de 20 RLU. Si c’est le cas, je réalise un nouveau test. Si le résultat dépasse à nouveau 20 RLU – ça ne m’est jamais arrivé jusque-là – je suspends la mise et procède à un nouveau nettoyage jusqu’à obtenir une hygiène satisfaisante », assure la directrice technique.
Flavie Loquet utilise un appareil de marque Hygiena Ensure Touch d’une valeur de 1 800 € HT. Pour 100 écouvillons, il faut compter environ 330 € HT. Des coûts qu’elle juge acceptables. « Je m’en sers également pour réaliser des tests inopinés dans le chai pour vérifier l’hygiène. Cela me sert plus d‘outil pédagogique que le contrôle, le but étant de sensibiliser les équipes du chai à l’importance du nettoyage. »
Pour réaliser ces mêmes contrôles, Paul-Antoine Suzzoni, propriétaire du vignoble Clos Culombu, en Corse, a fait appel au laboratoire Natoli. En 2018, il lui a demandé un audit pour vérifier la fiabilité et l’efficacité de ses méthodes de nettoyage. « Nous avions envie de réduire le SO2 et de traiter la problématique Brettanomyces, confie-t-il. Le laboratoire a contrôlé nos cuves béton et inox, nos barriques et la tireuse, le seul endroit où, finalement, nous avions un souci. Nous passions tout le circuit à la vapeur pendant 10 à 15 minutes, mais ce n’était pas suffisant. Les tests ont fait apparaître que des becs et des joints étaient contaminés. Après une pulvérisation d’alcool à 90 % vol., nous avons retrouvé un niveau proche de la stérilité. »
Cette année, cinq ans après le premier audit, Paul-Antoine Suzzoni vient d’en demander un nouveau, assorti d’un audit de l’oxygène dissous. Le caviste et le responsable du chai et de la mise en bouteilles ont suivi ces deux contrôles. « Cela permet de faire des piqûres de rappel sur le nettoyage, de voir si les process sont bien mis en place. Nous avons eu de bons résultats avec un niveau proche de la stérilité. Tout est consigné dans un rapport. »
Au domaine des Aurelles, dans l’Hérault, près de Pézenas, Basile Saint-Germain a bien pensé à s’équiper d’un ATP-mètre. Mais il hésite encore. « Vous pouvez vous faire les pires frayeurs en utilisant mal l’appareil… Ou ne rien voir du tout. J’ai travaillé avec un laboratoire et mes analyses étaient toujours parfaites, jusqu’au jour où j’ai changé de prestataire. Il ne suffit pas d’avoir un appareil, il faut aussi avoir le bon et bien l’utiliser. Et puis, même si je suis à cheval sur l’hygiène, il ne faut pas non plus devenir hygiéniste et traquer la moindre bactérie dans le chai. »
À chaque mise, Basile Saint-Germain demande un diagnostic flash à l’ICV pour contrôler l’hygiène de tout le circuit, depuis la vanne de sortie de sa cuve, en passant par la tuyauterie, jusqu’à la tireuse de la société d’embouteillage. L’opération dure environ une heure. « La mise en bouteilles est un moment extrêmement délicat, c’est une deuxième vendange pour moi. Malgré le coût, j’estime que ces contrôles d’ATP-métrie sont pertinents et cela me rassure, d’autant plus aujourd’hui avec la vague des vins nature. »
Pour réaliser ce diagnostic rapide, l’ICV facture 210 € HT. Pour aller plus loin, vérifier l’efficacité des protocoles de nettoyage et identifier les points critiques dans un atelier, l’audit est prévu sur une demi-journée, moyennant 680 € HT. Enfin, comptez entre 1 600 € et 2 500 € pour un diagnostic microbiologique et d’hygiène complet sur la journée.