doptée ce jeudi 30 mars par l’Assemblée Nationale, la loi transpartisane visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux y conforte l’application de la loi Évin : ni plus, ni moins. La communication numérique des vins, bières et spiritueux reste ainsi encadrée par les restrictions connues et appliquées par la profession depuis des décennies. Ajouté à la proposition de loi par un amendement des rapporteurs Arthur Delaporte (Calvados, Parti Socialiste) et Stéphane Vojetta (Meurthe-et-Moselle, Renaissance), un article rappelle ainsi que « la publication par des influenceurs de publicité relative à l'alcool sur les réseaux sociaux est soumise au respect de la loi Évin, qui prévoit notamment des dispositions spécifiques concernant la protection des mineurs ». Interrogé par Vitisphere, Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, indique que le texte de loi adopté rappelle tout simplement l’état du droit en vigueur : « la loi Évin s’applique pleinement aux influenceurs. Il n’y a besoin d’aller plus loin. La filière a déjà son contrôle interne par la loi Évin. On se félicité que les députés aient choisi la voie de la clarté, de la cohérence en sanctuarisant la loi Évin sans ajouter de l’interdit aux interdits. »
Lors de la séance publique du 30 mars, dés députés ont en effet souhaité durcir les conditions de communication par les influenceurs sur les boissons alcoolisées : en l’interdisant tout simplement. Portant un amendement de l’association Addictions France (ex-ANPAA), la députée Karine Lebon (La Réunion, Parti Communiste Français) explique que « le droit existant autorise la publicité pour l’alcool sur internet, sauf si le programme est principalement destiné à la jeunesse – comme c’est le cas pour la presse écrite. Il serait donc facile, pour n’importe quel influenceur, d’arguer du fait que le contenu est destiné à un public majeur et que, parmi ses abonnés, la proportion de mineurs est très réduite – alors même que cela n’est pas vérifiable. Afin de ne laisser aucune porte entrebâillée et d’éviter d’innombrables recours et procédures judiciaires, nous pensons nécessaire de préciser que la publicité d’alcool est interdite dans les contenus des influenceurs. »


L’élue ajoutant que face à « l’importance de valoriser le patrimoine et les savoir-faire œnologiques, ainsi que des difficultés auxquelles est actuellement confrontée la viticulture française, nous proposons une dérogation pour les influenceurs spécialisés qui travaillent pour des marques disposant d’une AOC ainsi que pour ceux qui publient de l’information œnotouristique ». Soutenant cette proposition, Nathalie Bassire (La Réunion, Parti Radical) ajoute que « cette disposition permettra d’appliquer l’action préconisée par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), qui souhaite de nouvelles dispositions législatives sur le marketing d’influence en faveur des produits générant des addictions ».
Une proposition rejetée par le rapporteur Arthur Delaporte, qui pourtant en « partage l’objectif » (ayant porté en commission économique le « principe de l’interdiction des publicités commerciales pour l’alcool par les influenceurs » en février). « Aujourd’hui, la très grande majorité des publications par des influenceurs entrent dans le cadre de la loi Évin*. Le problème, c’est qu’il faut la faire appliquer » estime le député, ajoutant que « ce dont nous avons besoin, c’est de jurisprudence et d’action. Les comptes faisant la promotion d’alcool ne devraient pas exister. » Et de citer le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris condamnant ce 5 janvier les plateformes Instagram (groupe Meta) à retirer 37 publications « visant à utiliser la notoriété des titulaires des comptes Instagram aux fins de faire la publicité pour des boissons alcooliques, dépassent le cadre légal rappelé aux dispositions de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique et à ce titre constituent des publicités illicites. » Cet arrêt en témoigne, « la loi Évin couplée aux règlements en vigueur, notamment à l’échelle européenne, conduit à empêcher de facto les influenceurs de diffuser le genre de publicité qu’ils mettaient en ligne jusqu’à présent » défend le rapporteur Stéphane Vojetta, pour qui « l’application stricte de la législation actuelle aboutit selon moi à une interdiction de fait ». Pas de quoi satisfaire Arthur Delaporte, pour qui le « combat s’inscrit dans une réflexion plus large, notamment sur l’évolution de la loi Évin à l’ère du numérique et de l’influence ».


Expliquant à Vitisphere que la France applique déjà l’un des textes « les plus exigeants au monde » en termes de communication sur les boissons alcoolisées, Samuel Montgermont appelle à « regarder la consommation comme ce qu’elle est aujourd’hui : très occasionnelle. Il faut prendre en compte que le réflexe "j’ai une bonne idée, j’interdis la communication sur tout ça, comme ça plus personne ne pourra en entre parler", c’est une hérésie. » Pointant que « la modération est devenue un fait de société de plus en plus installé », le président de Vin & Société appelle à calmer le jeu et à reconnaître les réalisations de la filière vin sur la consommation responsable pour s’assoir à la table des discussions avec les autorités de santé. Un message entendu par le président de la République, mais devant encore être intégré par tout le gouvernement.
Le texte sur les influenceurs doit désormais être débattu au Sénat. Contactée, la chambre haute indique qu’il est trop tôt pour donner un calendrier de séance.
* : « Il est prévu que les publicités, même lorsqu’elles donneront lieu à un avantage en nature, devront faire mention, de façon visible, du message sanitaire "L’abus d’alcool est dangereux pour la santé". Ce message devra être visible. Elles ne devront pas être intrusives, donc ne pas apparaître sur le fil des abonnés. Elles ne devront revêtir aucun caractère positif, tant sur la position de l’influenceur que sur la consommation d’alcool – par exemple, une mise en scène à la piscine, avec un cocktail, sera prohibée » indique en séance le député Arthur Delaporte. « Exiger des influenceurs qu’ils apposent la mention "L’abus d’alcool est dangereux pour la santé" sur leurs contenus promouvant l’alcool ne sert strictement à rien. Les jeunes qui regarderont ces images seront séduits tout naturellement par les formes données à cette publicité qui ne dit pas son nom » réplique la députée Nathalie Bassire.