eut-on cartographier à bas coûts le rendement à la parcelle au moment des vendanges ? Oui selon les premiers résultats du projet Celectiv mis en place par l’Institut Agro Montpellier en collaboration avec l’IFV (1). Le projet Celectiv est né d’un constat. « Lors des vendanges lorsque les bennes arrivent sur le quai de réception, de nombreuses informations sont alors collectées : le tonnage, le degré, l’acidité, le taux d’azote assimilable… Ces données sont ensuite utilisées pour les process de vinification et pour répondre à la réglementation. Mais il est ensuite difficile de les renvoyer à la parcelle pour raisonner les interventions par la suite », a expliqué Thomas Crestey, ingénieur à l’Institut Agro Montpellier et responsable du Mas numérique, le 6 février lors d’un webinaire organisé par l’IFV dédié au projet Celectiv. D’où l’idée de cartographier ces informations en partant des tickets de pesées. Sur ces tickets figurent une date, une heure, le tonnage, le degré, le taux d’acidité…
Les ingénieurs ont donc développé un algorithme qui permet de raccrocher automatiquement le ticket à la benne présente sur le quai de réception au moment de la pesée puis de réaffecter les informations à l’endroit d’où vient le raisin contenu dans la benne. Pour cela, il suffit d’équiper les machines à vendanger et les bennes de boîtiers de tracking GNSS, de géolocaliser les quais de réception, de fournir à l’algorithme une cartographie du parcellaire ainsi qu’un tableau des données collectées lors des pesées. Lors des vendanges 2022, les ingénieurs ont testé cette approche au domaine du Chapitre à Villeneuve-lès-Maguelone dans l’Hérault (30 ha) et au V’innopôle de Gaillac dans le Tarn (14 ha). Grâce aux boîtiers de tracking, ils ont pu reconstituer le parcours des machines à vendanger et des bennes. « Les capteurs sont particulièrement robustes et ils permettent de bien distinguer les rangs », rapporte Jean-Philippe Gras, ingénieur à l’Institut Agro Montpellier. Grâce à ces données, les expérimentateurs ont pu détecter les moments où la machine à vendanger et la benne étaient proches et donc le moment du remplissage de la benne. Ensuite, grâce au trajet effectuée par la benne, ils ont pu savoir à quel moment elle était présente sur le quai de réception et donc lui affecter le ticket de pesée correspondant.
A partir du trajet effectué par la machine à vendanger jusqu’au remplissage de la benne, l’algorithme calcule ensuite la surface de la parcelle correspondante, puis génère automatiquement des cartes de rendement à l’hectare. Chaque classe de rendement est alors représentée par une couleur : rouge, orange, jaune, vert. En associant la carte du rendement à l’hectare à la cartographie des manquants, on peut générer une carte du rendement moyen/souche. « On peut alors se rendre compte que des zones où le rendement/ha est bon (en vert sur la carte) ont des résultats moins bons si l’on prend le rendement moyen par pied (rouge). Cela donne des données supplémentaires pour comprendre la parcelle. De la même façon, nous avons eu le cas d’une parcelle où le rendement/ha était moins bon mais qui est mieux si l’on prend le rendement moyen par pied. Cela peut aider à prendre des décisions. On peut aussi cartographier le degré et tout ce qui a été mesuré à la cave. Toutes les données mesurées en cave peuvent ainsi être reportées sur le terrain de façon intra parcellaire à l’échelle d’une benne », a détaillé Jean-Philippe Gras. Toutefois, pour que cela fonctionne il est important de cartographier le parcellaire de manière très précise, d’anticiper l’installation des boîtiers de tracking avant les vendanges, puis de veiller à leur autonomie en les rechargeant quand cela est nécessaire. Il est également indispensable d’avoir des tickets de pesées avec une heure qui corresponde bien au moment de la pesée et qui soit précise à la minute.
« L’approche est facilement intégrable à l’échelle d’un domaine » a précisé Thomas Crestey. Selon lui, elle devrait permettre de mieux caractériser le millésime et les itinéraires techniques et d’ajuster les décisions agronomiques (taille, fertilisation, irrigation, complantation… pour la campagne suivante. Elle devrait également permettre d’améliorer les estimations de rendement par la suite »
(1) Projet financé par l’Institut Carnot Plant2Pro et l’ANR