arcelo Papa, directeur technique et œnologue chez Concha y Toro au Chili, surveille ses vignes de près. D’ici une semaine, il pense débuter les vendanges dans la Limaría Valley, secteur le plus septentrional parmi les vignobles appartenant au premier producteur de vin d’Amérique latine. « Nous commençons toujours par la vallée de Limaría, en particulier le vignoble de Quebrada Seca où sont récoltés les raisins destinés à notre Marques de Casa Concha chardonnay et pinot noir, ainsi que le chardonnay et le pinot noir pour l’Amelia. Ces vendanges pourraient commencer vers la deuxième semaine de février et se poursuivre dans les vallées situées plus au sud ». Quand ce sera le cas, il aura une idée plus précise des volumes, mais pour l’heure il estime que les rendements en 2023 devraient se situer dans la normale, pour des vendanges légèrement en avance mais à peine par rapport à d’habitude. « Il est encore difficile de faire des comparaisons pour l'instant, mais selon les caractéristiques constatées jusqu'à présent, le millésime semble normal. Nous ne pensons pas qu’il ressemblera à 2020, qui était une année beaucoup plus chaude, mais plutôt à 2019. C’est possible, mais j'insiste sur le fait qu'il est encore trop tôt pour faire ce genre de comparaisons ».
Fait encourageant, si les précipitations n’ont pas été abondantes, elles sont tombées au bon moment, permettant d’accumuler des réserves hydriques sous forme de neige et d’alimenter les systèmes d’irrigation au goutte à goutte. De plus, après un printemps froid, les températures estivales se sont inscrites dans la normale, évitant un stress supplémentaire à la vigne, sachant que la maison compte 10 500 hectares au Chili, répartis sur 56 sites pour 13 caves de vinification. Fondée en 1883, elle continue de planter des vignobles, développant actuellement des sites dans le secteur de Pumanque (O’Higgins) et Cauquenes (Maule).
« Nous augmentons notre production en propre pour pouvoir mieux maîtriser et sécuriser nos approvisionnements, même si nous entretenons une étroite collaboration avec de bons producteurs. Au-delà des trois principaux cépages que nous continuons de planter que sont le cabernet-sauvignon, le chardonnay et le merlot, nous implantons d’autres cépages désormais comme le cabernet franc », explique Marcelo Papa.
Pour les producteurs sud-africains, les vendanges ont débuté en janvier et devraient se poursuivre jusqu’en avril. D’après la deuxième prévision émise fin janvier par l’organisme professionnel Vinpro, la production sera vraisemblablement en baisse cette année par rapport à 2022, elle pourrait même se classer comme la quatrième récolte la plus faible en 17 ans. « La saison a été caractérisée par des masses d’air froid plutôt moyennes et des dépôts de neige moins importants sur les sommets des montagnes que lors des saisons précédentes », explique Conrad Schutte, responsable de l'équipe technique chez Vinpro.
« Toutefois, il a fait suffisamment froid pour répondre aux besoins des vignobles. Les températures hivernales ont été généralement plus chaudes dans toutes les régions viticoles et les précipitations ont été nettement moins importantes, sauf dans le Cap Nord ». Des précipitations en décembre ont été les bienvenues car les délestages électriques ont chamboulé les systèmes d’irrigation dans les régions viticoles sud-africaines. Deux principaux facteurs expliquent la baisse de production attendue cette année : les arrachages de vignes et une pression cryptogamique assez importante, conjugués à des phénomènes de brûlure dans certains secteurs et l’impact des délestages sur l’irrigation.
Les conditions météorologiques auront également donné du fil à retordre aux professionnels australiens. La pression des maladies a été importante dans toutes les régions viticoles suite à des conditions particulièrement humides au cours de l’hiver et du printemps. Une baisse de la production, du moins en rouge, ne serait pas forcément une mauvaise nouvelle pour un secteur qui se retrouve avec des excédents importants, la faute à la Chine.
En Argentine, aussi, la météorologie n’a pas été très clémente avec notamment un épisode très important de gel début novembre. « Il y a un avant et après le 1er novembre », confirme Leonardo Olazabal, responsable de la société argentine Tierra del Huarpe dans la province de San Juan. « Les volumes prévus en 2023 s’inscrivaient dans la normale, puis nous avons connu des gelées très importantes, comparables à celles de 1993. Tout de suite après, les prix ont fait un bond de 30 %. Le gel a fortement impacté la Patagonie et Mendoza, alors que dans la province de San Juan, cela dépend des secteurs. Il est très rare de connaître de telles gelées à cette époque-là de l’année et certains prédisent une chute de 25-30 % de la production ».
Les semaines à venir permettront de confirmer ou d’infirmer les sentiments actuels.