’article D665-17-5 du Code Rural est clair : « l'irrigation des vignes aptes à la production de raisins de cuve est interdite du 15 août à la récolte ». Une règle qui ne sera plus d’actualité en 2023, comme l’a annoncé le ministère de l’Agriculture lors du dernier conseil spécialisé vin de FranceAgriMer : le Code Rural va être réécrit pour supprimer cette date butoir dès le millésime 2023. « C’est une bonne nouvelle » commente Éric Paul, le président du comité national des vins Indications Géographiques Protégées (IGP) de l'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO), qui souligne que « le changement climatique touche tous les jours le vignoble, il faut adapter la réglementation avec le plus de réactivité possible ».
En témoigne le chaleureux millésime 2022, qui aura marqué les esprits vignerons par sa sécheresse et ses vagues successives de canicules. Pas question de gonfler les rendements avec ces apports d’eau précise Éric Paul, soulignant qu’« irriguer permet d’accompagner la maturité des raisins en réduisant l’excès de stress hydrique causé par le changement climatique. Je parle bien d’excès de stress hydrique, il ne faut pas supprimer le stress hydrique » qui est nécessaire à la production de raisins de qualité.
Fête de l’Assomption marquée par le passé par des orages d’été, le 15 août n’a plus aucune raison d’être la date de la fin de l’irrigation des vignes pour Christian Paly, le président du comité national des vins d’Appellation d'Origine Protégée (AOP). « La date ne se justifie plus. Il faut la supprimer. Ce ne sera pas pénalisant sur l’aspect qualitatif, au contraire il y aura plus d’équilibre dans les produits et pour la plante » déclare le viticulteur de Tavel. « La date du 15 août date. Il s’agissait il y a 20 ans d’interdire l’irrigation de la véraison à la récolte » ajoute Éric Paul.
Pour le viticulteur provençal, cette suppression permettra non seulement de s’adapter à la nouvelle donne climatique, mais aussi de limiter l’usage de l’eau : « cette modification permettra d’être plus efficient en évitant le pic d’utilisation des réseaux les jours précédant le 15 août ». En ne bornant pas l’irrigation, il y aurait un effet lissant, permettant d’« éviter que des viticulteurs chargent la mule avant le 15 août. Supprimer cette date évitera des effets d’opportunités que l’on pouvait hélas constater » confirme Christian Paly.
Pour la nouvelle réglementation agricole, le vignoble propose de supprimer toute date butoir. Si les modalités de la nouvelle réglementation sont en discussions interministérielles (entre les ministères de l’Agriculture et de l’Écologie), « la seule certitude de ce futur texte, hors problème de dernière ligne droite, est que nous aurons un nouveau cadre opérationnel pour la récolte 2023 » indique Christian Paly, qui rappelle que la suppression du 15 août était déjà évoquée en 2015-2017, lors des précédentes discussions pour modifier la réglementation sur l’irrigation. La proposition de la filière a pu aboutir grâce au groupe de travail conjoint des comités nationaux vins AOP et IGP sur l’irrigation (sous la présidence des viticulteurs varois Éric Pastorino et ardéchois Denis Roume) et aux conclusions du Varenne agricole de l’eau (avec un engagement du premier ministre d’alors, Jean Castex*).
Devant être actée dans le Code Rural, cette évolution marque une première réalisation pour la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique de la filière vin. Tout l’enjeu sera de concrétiser cette nouveauté réglementaire sur le terrain. Pour irriguer, « il faut pouvoir utiliser eaux de surfaces disponibles (en développant les réseaux primaires) et implanter des retenues collinaires (sur les territoires le permettant), dans les deux cas il faut partager la ressource » prévient Éric Paul.
Pour rappel, les vignes AOP sont soumises à une interdiction d’irrigation, sauf si cette possibilité est inscrite dans le cahier des charge d’une appellation et que les conditions climatiques du millésime justifient le recours à l’irrigation. Soit « un régime dérogatoire et pas généralisé » résume Christian Paly, notant que la quasi-totalité des cahier des charges d’appellations méridionales se donnent désormais cette option, et que des appellations plus septentrionales commencent à s’ouvrir cette possibilité.
* : Concluant ce premier février 2022 le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, Jean Castex annonçait « de nouvelles règles pour permettre à l'agriculture de s'adapter au changement climatique. Par exemple : un décret à venir pour adapter les calendriers d’irrigation en viticulture afin de concilier maintien de la qualité de la production et changement climatique. »