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À 360 mm, "la culture de la vigne sans irrigation est possible avec aussi peu de précipitations"
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Précisions
À 360 mm, "la culture de la vigne sans irrigation est possible avec aussi peu de précipitations"

Défendant le retour en grâce de la taille en gobelet et réprouvant la solution de facilité de l’irrigation face au changement climatique, le professeur Cornelis van Leeuwen évoquait dans un récent interview l’exemple de l’appellation espagnole Cariñena. Interpelé par un lecteur méticuleux, Pierre Leclerc, sur les possibilités d’irrigation qui y existaient et les enjeux d’altitude, le professeur bordelais fait le point.
Par Cornelis (Kees) van Leeuwen, professeur de viticulture à Bordeaux Sciences Agro, ISVV, UMR EGFV. Le 08 novembre 2022
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À 360 mm,
'Grenache en gobelet de la bodega Bodem en septembre 2019. Ce cépage conduit en gobelet a parfaitement résisté à la sécheresse' indique le chercheur. - crédit photo : Laure de Rességuier
J

’avais posté un commentaire sur Vitisphere sur des vignes non irriguées dans l’AOP Cariñena en Espagne. Avec quelques collègues (Nathalie Ollat INRAE, Hervé Quénol CNRS, Benjamin Bois Université Bourgogne, Jeremy Cukierman Kedge business school) nous avons aussi publié une tribune dans le journal Le Monde pour attirer l’attention sur des problèmes soulevés par l’actuel développement de l’irrigation en France (« Ne cédons pas à la tentation d’irriguer la vigne », publié en ligne le 14 octobre 2022). Des lecteurs ont fait remarquer, à juste titre, qu’il existe aussi des vignes irriguées dans l’AOP Cariñena. Voici donc une note avec quelques précisions.

Carineña est une appellation espagnole de la région d’Aragon, une des régions les plus sèches d’Espagne. La majorité des parcelles sont situées dans une plaine entre 450 et 550 m d’altitude, mais de nouveaux secteurs commencent à être explorés à des altitudes plus élevées, jusqu’à 750 m. Il pleut en moyenne 360 mm par an dans la plaine, un peu plus dans les secteurs en altitude. Le modèle historique de cette appellation est une culture de grenache (et un peu de carignan) sur 110 R, conduit en gobelet, sans irrigation. Comme partout en Espagne, l’irrigation a été introduite il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui environ 50 % des vignes sont irriguées et 50 % des vignes sont cultivées en culture sèche. Cette situation fait de cette région un observatoire intéressant sur le choix d’un modèle viticole dont on peut tirer quelques enseignements.

La culture de la vigne sans irrigation est possible avec aussi peu de précipitations. L’homme est confronté à des conditions sèches dans le bassin méditerranéen depuis des millénaires et il a adapté les cultures à la situation climatique. D’abord par le choix des cultures : olivier, amandier et vigne, trois cultures particulièrement résistantes à la sécheresse. Ensuite par la sélection de matériel végétal (cépages et porte-greffe) et de systèmes de conduite adaptés à cette situation. Dans ces conditions, les rendements de la vigne sont faibles à modérées (3 à 6 tonnes par hectare en fonction de la profondeur du sol), mais les coûts de production à l’hectare sont également très modérés, à l’exception de la récolte qui ne peut pas être mécanisée. Il n’y a actuellement aucune région en France avec aussi peu de précipitations et des Évapotranspiration (ETP) aussi élevées. La culture sèche est donc possible partout en France. La mise en place de l’irrigation permet d’augmenter les rendements (5 à 10 tonnes par ha) et de cultiver la vigne en rang, avec possibilité de récolte mécanique. L’arrivée de l’irrigation a permis l’introduction de cépages peu résistants à la sécheresse (Merlot, Syrah et Tempranillo) et d’un système de conduite plus consommateur d’eau (monoplan palissé, taille en cordon). Ce système de conduite a des coûts de production par hectare plus élevés, à l’exception de la récolte, qui peut être mécanisée. L’eau est prise dans des aquifères peu ou pas renouvelés dans la région de Cariñena. Actuellement l’eau est pompée à 80-100m de profondeur, mais il faut pomper de plus en plus profond pour trouver de l’eau. La grande inconnue est le nombre d’années où l’irrigation sera possible, les estimations vont de quelques années à quelques dizaines d’années. Mais dans tous les cas, le modèle de la vigne irriguée n’est pas durable dans cette région. Il est probable que quand l’eau sera épuisée, le savoir-faire de la culture sèche sera perdu. Une des propriétés phare de l’AOP Cariñena est la bodega Bodem. Leur produit le mieux valorisé est commercialisé sous le nom « Las Margas », qui est produit à partir de Grenache non irrigué, conduit en gobelet (environ 10€ TTC par bouteille prix consommateur). Puisque le marché le demande, ils font aussi des vins à base de Syrah et de Tempranillo. Il n’est pas possible de cultiver ces cépages sans irrigation dans la région de Carñena. Ces produits sont nettement moins bien valorisés (environ 5€ par bouteille prix consommateur). Pour cette bodega, malgré les rendements plus faibles, ils valorisent mieux les vignobles non irrigués. Une possible adaptation au changement climatique pour l’appellation Cariñena est de développer des parcelles de vigne en altitude. Les températures sont moins élevées, les ETP sont plus faibles et il pleut un peu plus.

 

Tempranillo en cordon palissé de la Bodega Bodem en septembre 2019. Ce cépage cultivé en rang résiste très difficilement à la sécheresse sans irrigation. Photo : Laure de Rességuier.

 

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Tous les commentaires (3)
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Pasquet /VINIVITISBIO Le 12 décembre 2022 à 09:24:08
Merci Kees d'avoir le courage d'aller à l'encontre de la facilité. J'ai bien connu, c'est un berceau de mes aïeux, le vignoble minervois dans les années 70-80, avant et après l'extension du réseau d'irrigation dit du "Bas-Rnône", alimenté par la retenue du Salagou. A cette époque, les cépages étaient cinsault, carignan, grenache, mourvedre, cultivés en gobelet, feuillage retombant pour protéger les raisin et le sol de la morsure du soleil. Sol travaillés superficiellement dès l'apparition des fissures liées au dessèchement. Puis des cépages plus productifs, et surtout nécessitant un palissage ont été plantés, comme la syrah, accompagnés par l'avènement de Saint Roundup, et du goutte à goutte.(après les arroseurs à maïs). C'était, à l'époque, l'espoir d'une viticulture plus facile, ... qui trouve aujourd'hui sa limite car la généralisation du palissage vertical haut, adapté au climat océanique atlantique, génère une forte dépense en évapotranspiration que la vigne régule plus difficilement qu'en port retombant. Oui, 1976 fut une année difficile dans les zones de plaine non irrigables, alors que d'Azillanet à Minerve les rameaux avaient pris le double de longueur grâce à quelques pluies estivales. Ce fut l'évènement déclencheur, comme aujourd'hui. Mais pour aboutir à quoi ? la viticulture languedocienne se porte-t-elle mieux ? Les marges à l'hectare sont elles meilleures, en dehors des domaines qui on su préserver et améliorer une image qualitative ? Lorsque j'entends là-bas que l'"on ne sait plus planter de la vigne sans irrigation", je suis stupéfait. Où est passé le savoir vigneron ?
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M.Leguay Le 15 novembre 2022 à 14:43:43
Excellente observation sur ce vignoble;. Il y avait une situation similaire dans le vignoble de la Mancha, il y a cinquante ans. Et le vignoble algérien non situé dans les plaines fertiles comme la Mitidja connaissait des précipitations similaires ; je pense à Mostaganem par ex avec également 350 mm par an, en raisin de cuve, avant l'indépendance, qui fournissait des vins consommable en l'état, mais aussi de coupage car la demande était différente, avec des vins moins alcoolisés qu'aujourd'hui .
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Leclerc Le 15 novembre 2022 à 13:39:51
J'ai fourni les chiffres, et ma source, sur la pluviométrie moyenne, et de sa REPARTITION DANS l'ANNEE, sur la zone haute de l'appellation Cariñéna, où il n'y a pas d'irrigation, et qui se situe, en fait, autour de 800 m d'altitude : c'est 540 mm de pluvimétrie moyenne, soit autant qu'à Perpignan et Marseiile, et 54 % de plus que les 350 mm de "la plaine" de Cariñéna. Avec en plus une MEILLEURE REPARTITION sur le printemps et l'été que sur"la plaine", grâce au relief. M. Van Leeuwen résume mon obejction de "lecteur méticuleux" en écrivant ci-dessus, qu'il pleut "un peu plus" en haut qu'en bas. En outre, il oublie de signaler que cette appellation est célébre depuis 3 siécles dans le même registre de "vin des cailloux" que Chateauneuf du pape. Voltaire s'en faisait livrer, .. Chacun peut juger le modéle que représenterait Cariñéna pour le vignoble français, à partir de ces 2 exemples. Sachant que tout le reste du modéle, et de l'anti-modèle de la Mancha, est à l'avenant, "de la même eau", "du même tonneau", .....
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