oter les opérateurs du vignoble d’une boîte à outils leur permettant de faire face aux multiples défis qui ne cessent de se cumuler : c’est l’invariable boussole de Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Si les épreuves se bousculent dans le vignoble (aléas climatiques, transition agroécologique, inflation galopante, déconsommation en France…), le vigneron de Fitou estime que l’« on peut préparer la filière vin à de meilleures performances futures » en suivant « trois axes : la résilience climatique, la résilience économique et la restructuration de l’offre face à la demande (conjoncturellement et structurellement) ».
Ayant accueilli le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, ce 25 novembre au salon parisien des Vignerons Indépendants, Jean-Marie Fabre a pu valider auprès de lui deux demandes de soutien face aux aléas climatiques croissants (en témoigne le millésime 2022, marqué par des gelées, des orages de grêle, de la sécheresse…). « Il faut mettre des moyens sur l’investissement pour protéger les vignobles. Remettons en route France Relance pour déployer les solutions de protection. Aujourd’hui, il faut du préventif et plus du palliatif » souligne le vigneron, pointant un deuxième enjeu : que la France porte les demandes viticoles de révision de la moyenne olympique pour ne plus prendre en compte que les années sans aléas climatique dans la nouvelle assurance climatique française. Une proposition qui pourrait s’insérer dans les travaux ouverts au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). « Marc Fesneau m’a dit qu’il serait le ministre réformateur de la moyenne olympique » rapporte Jean-Marie Fabre.
Le vigneron espère que le ministre sera aussi un allié de poids pour faire avancer les demandes vigneronnes de soutien aux trésoreries. Alors que les remboursements des Prêts Garantis par l’État (PGE) s’approchent dangereusement, la demande reste inchangée : reporter l’échéance, sans annulation de créance, mais sans pénalités. Récurrente, cette demande plus globale de décalage des encours bancaires sans intérêts intercalaires gagne en pertinence alors que les vignerons sont pris en ciseaux entre l’inflation de tous leurs coûts de production (des matières sèches à l’énergie, grignotant toute la marge sans pouvoir être répercutés) et les crédits à rembourser (après les taxes américaines, les dégâts climatiques, la crise covid…). « Le décalage du PGE permet de faire face à l’inflation » résume Jean-Marie Fabre, qui espère que Bercy s’inspirera de cette idée pour juguler l’inflation actuellement galopante.
Si ces mesures de prévention, d’assurance et de trésoreries réclament des réponses urgentes, celles de gestion des déséquilibres entre offre et demande de vin sont encore plus impérieuses. « Si l’on veut préparer la filière à de meilleures performances, il faut agir vite » indique Jean-Marie Fabre, pour qui les réponses doivent permettre de rompre le cercle vicieux de destruction de valeur frappant certains bassins viticoles et plongeant dans la détresse des familles vigneronnes. « Les réponses sont de deux natures : mobiliser les outils de recalibrage conjoncturel s’ils existent encore (distillation et stockage privé) et mettre en œuvre rapidement les outils d’arrachages structurels (en répondant aux enjeux de territoire) » indique le président des Vignerons Indépendants.


Qui note que le défi est de trouver les bons outils et les bons canaux de financement : « que chacun prenne ses responsabilités pour abonder [ces dispositifs] : région, État et filière. Cela veut dire qu’il faut regarder ce qu’il est possible de coconstruire, en termes de répartitions financières, d’outils de prospective et d’adaptation pour que, s’il y a déploiement d’outils pour remodeler les volumes et surfaces, ce ne soit pas un coup d’épée dans l’eau. Il faut pondérer l’offre et la demande pour être capable de valoriser la production et maintenir sa rentabilité. Il ne peut plus y avoir d’effet déstabilisant à cause d’une mise en œuvre non-réfléchie de la production. La responsabilité de la filière est là. »
Si les outils sont clairement identifiés, leur boîte mériterait une étiquette pimpante pour obtenir le soutien politique nécessaire : Jean-Marie Fabre milite ainsi pour que la viticulture soit déclarée grande cause nationale pour mobiliser les forces et volontés vers de nouveaux développements. « Ne nous contentons pas de vivre comme une fatalité la déconsommation de vin en Europe, mais voyons-y une opportunité pour se développer à l’export » conclue-t-il.