Quand on analyse le marché, il n’y a pas de crise. L’arrachage et la distillation ne seront pas des remèdes. La boîte à outil doit être ciblée » pose Ludovic Roux, le président des Vignerons Coopérateurs d’Occitanie (VCO, réunissant 200 caves coopératives pour 17 100 coopérateurs et 154 000 hectares de vignes, pour 10 millions d’hectolitres de vin produits et 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires). Sur une prévision de 14,5 millions hectolitres de vin produits en Occitanie pour le millésime 2022, le président des coopérateurs distingue le Sud-Ouest, qui tombe à 1,9 million hl (-8 % par rapport à 2021) et va de nouveau manquer de volumes (posant « un problème d’approvisionnement des marchés ») et le Languedoc-Roussillon, qui remonterait entre 12,5 et 13 millions hl (+30 % par rapport à 2021), « ce qui est une bonne nouvelle. Nous sommes d’abord des producteurs-vinificateurs. Il faut être content qu’il y ait une récolte normale, très belle qualitativement » souligne Ludovic Roux.
Avec un stock estimé à 6 millions hl avant les vendanges 2022 (« un stock au plus bas, nous avons récemment eu jusqu’à 8 millions hl sans que l’on parle de crise »), les disponibilités de vin dans le Languedoc-Roussillon pourraient s’élever à 19 millions hl : « depuis quelques années nous étions entre 18,6 et 19,5 millions hl de disponibilités. De façon macroéconomique, la situation au début de la campagne est plutôt normale » estime Ludovic Roux. Après une campagne 2021-2022 ayant commercialisé 10,6 millions hl, il y aurait pour 2022-2023 un volant supplémentaire de 2 à 3 millions hl : « je suis persuadé que l’objectif de gagner 600 000 à 1 million hl est atteignable. Cela augmenterait d’un million hl les stocks à la fin de l’année, ce qui ne serait pas dramatique. Après plusieurs récoltes déficitaires d’affilée, on peut retrouver des parts de marché si l’on a des produits adaptés à la demande » estime Ludovic Roux, pointant que « dans le cadre méditerranéen, l’année exceptionnelle est celle sans aléas… »


Se basant sur ces chiffres et calculs, le président de VCO est confiant : « structurellement, il n’y a pas de problème d’écoulement de vin dans le bassin Languedoc-Roussillon* ». Indiquant que le conseil de gestion de la coopération occitane valide à l’unanimité cette analyse, Ludovic Roux appelle à « ne pas s’emballer pour certaines situations circonscrites, où il n’y a pas de problème de marché en soi, mais d'adaptation. Je suis persuadé que notre région est capable de commercialiser ce volume de vins si demain le marché mondial n’est pas bloqué par le manque de matières sèches, la crise covid ou des fermetures de frontières. »
La coopération régionale plaide ainsi pour une boîte à outils adaptée aux spécificités de chaque région, avec un financement clairement distinct de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin). Dans le cas du Languedoc-Roussillon, le viticulteur audois imagine un plan de relance avec des aides à l’export pour les entreprises investissant sur des marchés en croissance (volume et valeur), une « distillation bien ciblée face à des retards dûs à un manque de disponibilité de bouteilles (notamment blanches pour le rosé) », ainsi que l’inflation pesant sur la consommation et l’augmentation des charges (« le coût de production de la bouteille de vin a augmenté de 20 % »), de la mise en réserve et le financement du stockage privé permettant de réduire les tensions liées aux défauts d’approvisionnement en bouteilles de verre et de disponibilités en containers… Et une forme d’arrachage temporaire pour « les vignerons épuisés ayant un vignoble qui n’est pas vendable ou ne représente plus un patrimoine et souhaite pouvoir arrêter leur activité sereinement ». Ne souhaitant pas parler d’arrachage, Ludovic Roux évoque une forme de mesure agroenvironnementale permettant d’ouvrir une porte de sortie honorable sans perdre le potentiel de production. « On ne doit parler d’arrachage et de distillation massifs qu’en cas de problèmes structurels massifs de marché » souligne-t-il.
Souvent entendue dans le vignoble, la critique de caves coopératives voulant préserver des volumes d’approvisionnements à hauteur de leurs dimensionnements n’est pas pertinente pour Ludovic Roux, qui souligne l’importance de la filière vin dans le tissu économique territorial.
* : Y compris pour les vins bio précise-t-il. Notant qu’avec une commercialisation en 2021-2022 de 1,2 million hl, il faudra absorber l’arrivée de 450 000 hl venant de la coopération dans les prochaines années. « Ça va se calmer. Il y a moins de conversion, des déconversions en hausse et on passe le message de ne passer en bio que lorsque l’on est capable de le vendre » rapporte Ludovic Roux.