in des prolongations, le match opposant l’administration à la région sur l’usage de la marque viticole Sud de France vient d’être tranchée par l’arbitre préfectoral. Dans une lettre datée du 25 juillet consultée par Vitisphere, le préfet de la région Occitanie, Étienne Guyot, résume aux membres des conseils de bassin viticole Languedoc Roussillon et Sud-Ouest les conclusions de la réunion tenue le premier juillet dernier : « l’état actuel de la réglementation de la protection des indications géographiques dans le secteur vitivinicole ne permet pas que la mention "Sud de France" figure sur l’étiquetage de ces vins [NDLR : conformément à une alerte de 2019]. De plus l’impasse technique d’une solution alternative consistant à changer le nom du bassin viticole, solution un temps envisagé par certains d’entre vous, m’a amené au constat que la mention "Sud de France" ne peut plus être envisagée aujourd’hui. » Après quatre années de flou, cette mise au point nécessite un changement d'étiquettes pour les 7 000 vins utilisant le label (sur 12 000 produits agroalimentaires recensée en 2021, pour les 15 ans de la marque régionale).
« La mention de la marque "Sud de France" sur l’étiquetage des vins constitue une non-conformité réglementaire passible de sanctions (contraventions de cinquième classe) » poursuit dans son courrier le préfet de la région, notant que « tous les produits exportés hors de l’Union Européenne devant être conformes à la réglementation communautaire, les opérateurs en infraction à ces réglementations seront exposés à des blocages de leurs produits aux frontières ». Encourant 1 500 € d’amendes (3 000 € en cas de récidive), et une saisie des bouteilles destinées à l’export, les opérateurs de la filière sont invités à se mettre en conformité. « Il me semble donc désormais indispensable que les représentants de la profession puissent relayer auprès de tous les opérateurs commerciaux concernés l’état du droit et la nécessité de s’y conformer » précise Étienne Guyot.


Jugeant que la clarification est une bonne chose, un participant languedocien de la réunion du premier juillet note que « le préfet ne fait que rappeler le droit. Le débat a été nourri : tout a été abordé et tous les arguments sont tombés, les uns après les autres. Ça plaît ou ça déplaît, c’est pareil. Le message est clair : méfiez-vous, maintenant vous le savez ! Et toutes les entreprises contrevenantes peuvent estimer que les Fraudes ont été sympas jusque-là… »
« Le maintien de la marque est passible de contraventions. Jusqu’à présent les autorités de contrôle ont émis des rappels à la réglementation » confirme Marie Guittard, la directrice de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), pointant que « pour se conformer à la réglementation - spécifique au secteur viticole et qui n’a pas été obtenue pour le secteur agroalimentaire - les opérateurs concernés devront retirer cette mention de leurs étiquettes et peuvent évidemment se rapprocher des services des administrations régionales compétentes qui auront ainsi l’occasion de leur expliquer la teneur et les objectifs très protecteurs de cette réglementation européenne qui est aussi appliquée pour protéger les AOP et les IGP qu’ils commercialisent d’étiquetages non conformes. »
Dans l’analyse juridique fournie par la préfecture d’Occitanie, il revient que dans l’état du droit (européen et français), « la dénomination "Sud de France" ne correspond pas à une zone géographique au sens réglementaire et il n’est donc pas possible de l’intégrer dans les cahiers des charges des AOP ou IGP concernées ». L’alternative du changement de nom de bassin viticole Languedoc-Roussillon n’est pas crédible pour les services occitans, qu’il s’agisse d’un bassin Languedoc-Roussillon Sud de France (« le nom de bassin choisi doit pouvoir être utilisé sur toutes les étiquettes des vins concernés », mais Languedoc et Roussillon sont des AOP) ou d’un bassin Sud de France (demandant un décret en conseil des ministres et la mise à jour de tous les cahiers des charges AOP et IGP pour le permettre, avec le choix entre Sud de France et les mentions Languedoc ou Roussillon).
Bref, « la réglementation européenne en vigueur ne permet pas que la mention « Sud de France » figure sur les étiquettes des bouteilles de vin. Cette réglementation est particulièrement protectrice des indications géographiques puisqu’elle prévoit que seul le nom d’une AOP ou d’une IGP peut figurer sur une étiquette de vin » résume Marie Guittard, confirmant que « la mention "Sud de France" ne remplit pas les conditions prévues dans la réglementation européenne pour ajouter au nom de l’AOP ou de l’IGP sur l’étiquette celui d’une unité géographique plus grande ou plus petite ».


Cependant, les services de la préfecture notent que « la marque Sud de France peut être utilisée en tant que bannière visant à promouvoir un univers de produits ». Des stands collectifs sur des salons à l’étranger ou des opérations de promotion dans les réseaux de distribution en France et à l’exportation, « le Conseil régional Occitanie a toute latitude à développer sa communication et la promotion des produits d’Occitanie, y compris des vins » indique la préfecture.
Adepte de l’utilisation de la marque Sud de France sur ses bannières en stand, Jacques Gravegeal, le président de l'Interprofession des Vins Pays d'Oc IGP, plaide pour un appui régional à cette communication collective maintenant que l’usage individuel est enterré pour les étiquettes. « Il ne faut pas avoir peur de dire que le vignoble d’Occitanie c’est Sud de France. Pays d’Oc souhaite un plan de communication en ce sens » souligne le vigneron héraultais, glissant que « j’ai inventé Sud de France, que j’ai donné à Georges Frêche (alors président de la Région Languedoc-Roussillon) : c’est un élément qui nous identifie plus largement que Pays d’Oc ou Languedoc-Roussillon ».
Reste pour les opérateurs la nécessité de réviser leurs emballages, ce qui ne s'annonce pas aisé avec les tensions actuelles sur les matières sèches. Pour la région, reste l'ardoise d'un développement de marque régional en partie raboté.