Une vingtaine de cépages occupe 90 % des surfaces viticoles en France, alors que 400 cépages français sont conservés dans la collection de vignes de l’INRAe au domaine de Vassal dans l’Hérault, dont 200 inscrits au catalogue officiel et donc susceptibles d’être cultivés » a rappelé Olivier Yobregat, responsable du matériel végétal au pôle Sud-Ouest de l’IFV, en introduction du symposium consacré aux cépages patrimoniaux d’Occitanie organisé sur le salon Dégustez en V.O ! ce mardi 3 mai.
A l’échelle locale, les situations sont plus contrastées. Le Sud-Ouest est la région qui présente le plus de biodiversité viticole. En témoignent les plantations de négrette à Fronton, de malbec à Cahors, de fer-servadou à Marcillac, du tannat à Madiran, ou, plus récentes, celles de duras et de Prunelard à Gaillac, de jurançon noir, de bouysselet, de manseng noir… « Il y a encore de la réserve. 32 cépages autochtones sur les 121 recensés autorisés dans les décrets d’appellations. Et seuls 25 sont plantés sur plus de 2 hectares » insiste l’ingénieur.
Les chercheurs comptent moins d’une trentaine cépages originaires de l’ancien Languedoc-Roussillon. « Leur surface baisse sans cesse depuis les premiers enregistrements de cadastres, en 1955. Le piquepoul est l’exception, du fait du succès du picpoul de pinet ».


Ici et là, des vignerons renouent avec la tradition. A Roquebrun, sur ses 12 hectares, Thierry Navarre travaille l’œillade, le terret ou le ribeyrenc. « Il y a en avait quelques pieds sur le domaine quand j’étais plus jeune et je me souviens que ma grand-mère me demandait d’aller lui en cueillir car elle appréciait sa peau fine. Quand j’ai repris les rênes, je l’ai multiplié et l’ai replanté sur trois coteaux de schistes exposés Sud-Est pour voir ce qu’il donnait une fois vinifié » a-t-il partagé lors d’une table-ronde.
Très tardif, le ribeyrenc donne des vins peu alcoolisés, au nouveau goût des consommateurs. Chez Jean-Pierre Venture, au mas de la Séranne, à Aniane, il ne murit pas. Pour s’adapter à la sécheresse, le vigneron héraultais a planté de la counoise et du morastel dès 2012.
Depuis 2018, il conserve 29 cépages patrimoniaux sur une parcelle d’1,5 ha. « J’expérimente aussi des cépages grecs et italiens, comme l’assyrtiko et le montepulciano, avec l’objectif de pouvoir les introduire dans mes assemblages ».
Qu’ils soient assemblés ou vinifiés seuls, ces cépages plaisent. En témoigne le succès de Grégory Langevin, caviste parisien spécialisé dans les variétés patrimoniales. « Quand ils sont bons, ses vins se vendent très facilement car ils ont une histoire. Le tout est de leur partager, et de leur donner les bons conseils de dégustation ».
Dans le Minervois, le succès des vins de Cécile Domergue illustre parfaitement le phénomène. « Mes parents ont remis en culture des cépages oubliés dès 1995 pour arrêter de faire de la « syrah-cola » et le même vin partout. Nous en avons aujourd’hui 18 sur les 23 que compte le domaine. Nos vins se démarquent vraiment à la dégustation. Ils redonnent leurs lettres de noblesse au terroir ».
A la coopérative Plaimont, la valorisation du patrimoine du Sud-Ouest a également sauvé la coopérative Plaimont il y a 40 ans. « Nous sommes des amoureux éconduits de l’INAO. Nous devons sans cesse nous battre pour faire inscrire d’anciens cépages au catalogue et dans les AOP » s’est désolé Olivier Bourdet-Pees, directeur général de la cave, qui vient d’investir 3 millions d’euros dans un chai de vinification expérimental pour faire découvrir toute la biodiversité viticole au grand public.
Ce regain d’intérêt pour les cépages anciens donne du fil à retordre aux pépiniéristes. « C’est un défi passionnant mais compliqué. Il nous arrive souvent de nous retrouver avec de vieilles vignes qui ne trouvent pas acheteur malgré la demande apparente. En ce moment, nous avons par exemple des greffons d’œillade, mais je ne sais pas si je vais les greffer, rapporte Olivier Calmet pépiniériste à Fanjeaux, dans l’Aude. Et je ne parle pas des variétés orphelines de greffons, comme le carignan blanc ou l’assyrtiko ».