À mon avis, c’est plus intéressant de retrouver des cépages [anciens] et de faire des essais de vinification pour voir s’ils résistent et résisteront à des températures élevées plutôt que d’aller chercher des recompositions de cépages à travers la génétique, ce qui me paraît aléatoire. Là, on a la réalité des choses » pose la figure du vignoble de Gaillac, Robert Plageoles, en ouverture des rencontres nationales des Vignerons Indépendants de France ce 6 avril dans le Tarn. Ajoutant avec une impertinence assumée que « ce n’est pas dans l’air du temps, ça ne fait pas vivre les chercheurs ». Un coup de griffe qui ne vient pas de n’importe qui : « c’est le sauveteur de l’ondenc et du prunelard » souligne Nathalie Vayssette, la présidente des vignerons indépendants du Tarn.
« L’ondenc avait disparu pendant la tourmente du phylloxéra. J’ai eu la chance d’avoir un père qui était très conservateur. Il était greffeur professionnel, il me disait toujours on va garder, on pourra s’en servir » se souvient Robert Plageoles, désormais à la retraite. Toujours porté sur les cépages oubliés, il met notamment en avant le verdanel : cépage aux forts degrés alcooliques et à la forte acidité, ayant l’intérêt de résister à de fortes températures estivales (pendant les coups de chaud du millésime 2003, ses grains n’auraient pas subi une brûlure, mais seulement des brunissements). Si le degré alcoolique de ce « vin de feu » peut sembler être un handicap avec le réchauffement climatique, « faut-il se débarrasser de tous les handicaps ? À force de considérer que tel cépage a handicap, c’est comme ça que l’on s’est débarrassé de cépages après le phylloxera » pointe Robert Plageoles, qui souligne que ce cépage « fait la réputation du domaine Plageoles, c’est une rareté ».


« Les vignerons gaillacois sont fiers de ne pas avoir cédé aux fluctuations des modes et d’être restés fidèles à des cépages qui plongent leurs racines dans l’Antiquité et ont accompagné des générations de vignerons » salue Martine Souquet, la maire de Gaillac, ajoutant que « cette singularité est en passe de devenir un atout pour l’avenir de toute une profession. L’uniformisation des goûts en matière viticole a atteint ses limites. L’avenir du vin en France, comme ailleurs, repose désormais sur la typicité des cépages et des terroirs, gages de typicité, d’authenticité, de qualité, mais aussi de respect des environnements et des sols. » Ce que confirme Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France : « nous disposons d’une multitude de cépages qui nous permettront, avec nos personnalités et sensibilités de donner naissance à des vins non-standardisés, avec des caractéristiques propres, qui les différencient de tous les autres ».
À date, 154 variétés de vignes autochtones* sont recensées sur les cinq bassins "berceaux" ampélographiques du Sud-Ouest (Piémont pyrénéen, bassin Garonne et affluents, Gironde, Charentes et les contreforts de Massif Central) indique l’ampélographe Olivier Yobrégat, ingénieur spécialisé dans le matériel végétal à l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV Occitanie). Qui note que 61 de ces cépages sont inscrits au catalogue : « il y a encore de la diversité, mais cette diversité est déjà mise en avant » note l’expert, soulignant que « le Sud-Ouest a fait part belle aux cépages autochtones dans ses décrets d’appellation. On l’oublie en disant qu’il y en a plein que l’on n’a pas utilisé, mais il y en a beaucoup mis à profit : la négrette de Fronton, le tannat de Madiran, les manseng du jurançonnais, sans oublier les cépages de Gaillac. »
* : « On parle souvent de cépages autochtones, locaux… on a un petit problème avec les variétés de vigne : pour un cépage ancien, sa naissance n’est pas documentée. il est impossible de dire d’où elles sont originaires. Quand l'ensemble des sources est concordant, on peut définir un berceau d'origine, dire que c’est telle ou telle région » indique Olivier Yobrégat.