rogne en appellation Beaujolais : les cépages résistants au mildiou et à l’oïdium semblent aujourd’hui inaccessibles en tant que Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA, pouvant être testés 10 ans en AOC, dans la limite de 5 % des surfaces de l’exploitation et 10 % de l’assemblage commercialisé sous indication géographique). Si l’ouverture des cahiers des charges AOC aux variétés hybrides n’est pas encore opérationnelle (la réforme de la Politique Agricole Commune étant applicable à partir de 2023), cela n’empêche pas la Champagne et Bordeaux d’anticiper les procédures administratives d’inscription de VIFA auprès de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Un dispositif impossible en AOC Beaujolais regrette David Ratignier, le président de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) des appellations Beaujolais et Beaujolais-Villages : « notre problème avec l’INAO est le croisement de cahier des charges avec la Bourgogne. Ça bloque à cause du repli en AOP Coteaux Bourguignons. »
Contacté, l'INAO indique qu'« à ce stade, à notre connaissance, la liste des variétés à inscrire au cahier des charges Beaujolais/Beaujolais Villages, en tant que VIFA, n’est pas définie, la réflexion étant toujours en cours au sein de l’ODG. De plus, l’intégration de cépages inter spécifiques n’est possible dans les cahiers des charges des appellations d’origine que depuis décembre 2021. A ce jour, le comité national n’a pas eu à traiter de demande. »


Préparant ses arguments, David Ratignier souligne qu'« il y a de la traçabilité dans nos domaines : ce sont des cépages vinifiés et stockés séparément. Tant qu’il n’y a pas assemblage, où est le problème ? ». Pour le vigneron, « plus qu’un regret, ça agace : on perd du temps. C’est rageant de toujours bloquer sur le même problème de cahier des charges et de croisement entre régions… Comme pour le gamaret. »
Le président de l’ODG Beaujolais et Beaujolais-Villages est d’autant plus remonté sur ce sujet qu’à titre personnel il a déjà planté des cépages résistants sur son exploitation, avec 1,2 hectare de cépages voltis, floreal et vidocq, issus du programme d’obtention Résistance Durable (Resdur) de l’Institut National de la Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement (INRAE). Après le millésime 2021, le vigneron est conquis : il rapport ne pas avoir utilisé « de produits de synthèse. Je suis passé deux fois avec de l’huile essentielle d’orange et du bicarbonate alors que c’était une année difficile. C’est une solution pour palier à la problématique des Zones de Non Traitement (ZNT riverain). Au niveau environnemental, pour moi c’est la solution. » Commercialisant ces cuvées en vin de France, David Ratignier note avoir « déjà dégusté des assemblages à 10 % volume de cépages résistants. On a la chance d’avoir la Sicarex qui mène les essais [du programme Resdur]. Je ne comprends pas le blocage. »


La solution d’intégrer des cépages résistants via l’outil VIFA dans les cahiers des charges de Bourgogne ne semble pas à l’ordre du jour. « Il faut prendre le temps de la réflexion. Les cépages Resdur peuvent être une solution pour les traitements à proximité d’habitations, mais il faut toujours les traiter et ne nous cachons pas que le compte n’y est qualitativement pas en dégustation » indique Thiébault Huber, le président de la Confédération de Vignerons de Bourgogne (CAVB), qui plaide pour faire pression avec l’État sur les firmes phytos pour qu’elles proposent des matières actives plus respectueuses de l’environnement. Concernant l’encépagement de demain, il n’y a aujourd’hui en pas un ODG qui ne s’intéresse pas à l’essai de nouveaux cépages adaptés au changement climatique rapporte Thiébault Huber. Qui souligne que « rien n’est décidé. J’appelle à la prudence et à la vigilance, il y a un lien énorme entre cépage et terroir. »