Avant de commencer mes dégustations [en primeur], j’avais peur qu’il n’y ait pas de réussites [sur le millésime 2021]. Mais on a trouvé quelques vins de très grande qualité » pose Jane Anson, la plus bordelaise des critiques britanniques, qui anime un site de référence sur les vins de Bordeaux depuis la capitale girondine. Dégustant 600 à 800 vins sur 3 semaines chaque année depuis 2004 (et le millésime 2003), Jane Anson reconnaît que « déguster en primeur, ce n’est jamais facile. Et cette année encore moins. » Difficile au vignoble (entre gel, coulure, mildiou, pluies hâtant les vendanges…), le millésime est hétérogène dans les dégustations, même si globalement les plus beaux terroirs s’en sortent bien (soutenus par leurs investissements techniques et leur capacité à mobiliser rapidement leur personnel).
Dans ce millésime "old-school" (moins d’alcool, plus de fraîcheur), « la gestion des tannins et de l’acidité était la clé » analyse Jane Anson, qui se fait un point d’honneur à préparer chaque année ses dégustations en primeur avec un appel à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) pour avoir une vision technique d’ensemble, et ne pas dépendre que de l’histoire écrite par les domaines. « Tout le monde va dire qu’il a réussi son millésime 2021 » plaisante la critique, notant que « les questions techniques sont très importantes sur un millésime comme 2021 où il y a eu de nombreux obstacles ». De la stratégie d’effeuillage aux choix de chaptalisation en passant par les nouveaux recrutements et les stratégies d’extraction, Jane Anson n’oublie aucun sujet lors de ses dégustations, où elle se plonge dans l’analyse de chaque cru tout en enchaînant les questions pointues. « Ce que l’on cherche dans les primeurs, c’est de comprendre comment est construit le vin et les choix faits par les domaines avec leurs propres enjeux (certifications environnementales, encépagement, etc.) » souligne la critique.


Ayant encore un certain nombre de vins 2021 à déguster, Jane Anson relève les qualités de certains crus (avec des potentiels de garde), tout en remettant ce millésime dans la série des vendanges bordelaises : « on peut trouver un vin fabuleux dans une dégustation horizontale de 2021, mais dans une verticale, il ne sortirait pas aussi bien qu’un 2016. Il faut avoir conscience qu’une grande réussite en 2021 n’est pas une grande réussite quand elle est remise dans l’ensemble des millésimes d’un château. »
Ayant des lecteurs qui sont souvent des acheteurs de primeurs, Jane Anson sait que ses notes sont attendues : « il faut dire qu’il y a de très bons vins en 2021, mais on ne peut pas les acheter à l’aveugle comme des 2016 » pointe la critique. Qui note que l’enjeu des prix reste crucial : « ces dernières années ont été plus compliquées pour avoir un retour sur investissement. Les consommateurs se questionnent sur le système des primeurs. Mais c’est un moment particulier dans le monde du vin. » Si 2021 n’est pas un grand millésime solaire, il conserve un potentiel qualitatif indéniable. « Il fallait prendre ce qu’il y avait et ne pas chercher ce qui était absent » conclut Jane Anson.