l fut un temps où Louis Pasteur pouvait déclarer que « le vin est la plus saine des boissons ». De nos jours, nul doute que le savant jurassien causerait la polémique. D’abord avec des confrères tenant de l’hygiénisme, mais aussi avec des vignerons qui lui demanderaient s’il s’agit d’un vin bio, ou en biodynamie, ou raisonné, ou nature, ou certifié de tel label ou de tel autre… Si le vin s’est toujours décliné en couleurs, origines et profils organoleptiques, il semble qu’une nouvelle dimension s’y soit durablement ajoutée. Jusqu’à supplanter les autres critères.
Pour se positionner dans l’offre moderne des vins, une bouteille a besoin d’épithètes multiples, lui permettant d’affirmer des différences autant qu’une appartenance. Cette nécessité de se distinguer pour conquérir des consommateurs crée autant de chapelles que de cibles. Ce qui s’accompagne de son lot de tensions dans la filière, dès lors que les modèles s’affrontent pour avoir les faveurs des tendances de consommation. Sans oublier tous les paradoxes entre le vouloir d’achat (demande de qualités durables, désir de juste rémunération, soutien à la production locale…) et le pouvoir d’achat (exacerbé avec l’inflation actuelle sur les biens de première nécessité).
Pour défricher la jungle des labels, la filière vin tient de l’armée mexicaine se tirant dans les pattes. Et ce alors que sa principale concurrence n’est pas interne. Les bières, cocktails et autres spiritueux ont des puissances de communication et d’innovation sans commune mesure. D’autant plus que la déconsommation est le défi démographique conditionnant l’avenir de la filière vin. Plutôt que de se déchirer, la filière vin se doit d’affirmer le sérieux et la complémentarité de ses multiples démarches durables. Sous l’angle collectif, des indications géographiques travaillent à intégrer des mesures agroenvironnementales engageantes. D’autres leviers sont imaginables, comme des concours de dégustation où les engagements environnementaux sont un prérequis.
En cette période de transition sans précédent des pratiques culturales, le défi est de canaliser les bonnes volontés individuelles dans un cadre collectif affirmant la crédibilité des vins et la lisibilité de leur offre. Que pour le consommateur, le choix du vin soit la plus sereine des sélections.