Le premier vin bu en Égypte fut importé, explique Guillaume Collet, dans l’ouvrage collectif Le vin. Nectar des dieux, génie des hommes (éd. Infolio, 2009). La découverte la plus significative à ce sujet est celle de quelque 700 jarres de vin dans la tombe du roi Scorpio 1er, à Abydos (- 3 150 av. J.-C.), par l’Institut archéologique allemand. En provenance de la Palestine voisine, elles devaient contenir environ 4 500 litres de vin. »
Car le vin est un produit divin qui accompagne le pharaon au-delà de la mort. Diodore de Sicile rapporte que, selon les Égyptiens, « Osiris but le premier du vin, et apprit aux hommes la culture de la vigne, l’usage du vin, sa préparation et sa conservation ». « Osiris est vénéré en Égypte comme l’inventeur du vin, équivalent du sang qui prodigue vie et résurrection », relèvent Matthieu Poux et Michael Dietler, deux autres coauteurs de l’ouvrage Le vin. Nectar des dieux.
Quelques décennies plus tard, l’art de cultiver la vigne et d’élaborer le vin gagne l’Égypte. « Les tombes royales des deux premières dynasties (de 3 100 à 2 700 av. J.-C.) ont fourni des milliers de jarres, contenant approximativement 10, 20 ou 30 litres et fermées par de gros bouchons d’argile. Sur ces bouchons, des empreintes laissées par des sceaux-cylindres semblent indiquer le contenu, du vin. À cette époque, la consommation de vin semble être un privilège royal, puis les nobles commencent à en consommer à partir de la deuxième dynastie », continue Guillaume Collet.
Un peu plus tard, « au temps du roi Djéser qui a fait édifier la pyramide à degrés de Saqqarah, existent des vignobles d’État qui ont des noms particuliers, comme “Mont de la santé du roi Djéser” », écrit Marcel Lachiver dans son histoire de la vigne et du vin.
« L’un des aspects les plus frappants de cette viticulture égyptienne, c’est son caractère dès l’origine sophistiqué », poursuit Guillaume Collet. En témoignent les peintures et bas-reliefs qui ornent les tombes des élites. Y figurent des vignes en treille, des scènes de vendange, de foulage du raisin au pied par des hommes se tenant à une poutre au-dessus d’une cuve. D’autres œuvres encore montrent des hommes tordant des sacs de toile emplis de marc ou grappes foulées à l’aide de deux bâtons pour en extraire tout le jus. Les premiers pressurages !
Les artistes de l’Égypte antique ont également reproduit des hommes et des femmes en train de boire du vin, et même des scènes d’ivresse renvoyant à des rites d’initiation, de communication et d’identification avec les dieux. Ces scènes évoquent aussi la transformation du raisin en vin, comme un symbole de la vie sous une autre forme, après la mort.
Que buvaient le pharaon et la haute société ? Sans doute des blancs liquoreux, même s’il est prouvé que les jarres ont contenu du vin rouge. Grâce aux écrits de Pline, on connaît plusieurs crus égyptiens comme le taniotique, un blanc doux, ou le maréotique, un autre blanc doux, dont Cléopâtre, rapporte la légende, était amatrice.
Sous le Nouvel Empire (1 567-1 085 av. J.-C.), la production de vin se développe sur les rives du delta du Nil et dans l’oasis du Fayoum. La consommation aussi. Sous Sethi 1er ou Ramsès II, le vin fait partie de la ration des ouvriers et des soldats et les temples en reçoivent d’importantes attributions. Mais il reste cinq à dix fois plus cher que la bière.
Les amphores sont soigneusement « étiquetées », comme le montrent celles découvertes dans la tombe de Toutânkhamon. Elles mentionnent le nom du souverain et l’année de son règne, le millésime, la qualité du vin, la provenance des raisins, le propriétaire de la vigne et le nom du responsable de la production. Par exemple, sur l’une des jarres figure « Cinquième année. Vin moelleux du Domaine d’Aton à Karet. Responsable : Ramose ». Déjà la traçabilité.
Les représentations antiques témoignent du caractère déjà sophistiqué de la viticulture égyptienne.