oute la semaine dernière, le mercure a oscillé autour des 40°C, avec des pics enregistrés entre 44°C et 48°C dans les régions septentrionales de l’Argentine. « Bien que ce soit un phénomène estival typique, il n’est pas habituel que cela persiste aussi longtemps », note le service météorologique argentin, précisant que ces phénomènes deviennent de plus en plus fréquents et intenses. Touchant également l’Uruguay, le Paraguay et le Brésil, la vague de chaleur a entraîné des incendies dévastateurs, dont le plus important de l’histoire de l’Uruguay. « Ça a été une année un peu particulière », corrobore Guillaume Bousquet, responsable commercial du domaine éponyme dans la Vallée d’Uco, à quelque 90 kilomètres de Mendoza. « Les mois précédant l’hiver ont été assez froids, ce qui est tout à fait exceptionnel pour la région, et à l’inverse, l’hiver a été plutôt chaud. Le fait le plus marquant a été une pluviométrie importante au printemps et au début de l’été. En décembre 2021, par exemple, nous avons enregistré 68 mm dans la Vallée d’Uco, contre 17 mm en moyenne. Dans un climat désertique, il est très rare de voir de la pluie tous les jours sur une quinzaine de jours ».
Il n’en fallait pas plus pour que les foyers de mildiou se développent rapidement, la lutte étant entravée par la période des vacances de fin d'année. Les pluies ont également posé le problème des apports en eau : « Il faut réaliser davantage d’analyses pour connaître le niveau d’eau qui a effectivement atteint les racines pour pouvoir ajuster l’irrigation en conséquence », reconnaît celui qui est chargé de la commercialisation des vins issus des quelque 300 hectares de vignes du domaine, entièrement conduit en agriculture biologique et désormais une partie en biodynamie.
Mais début janvier, tout bascule, et une vague de chaleur frappe le pays, avec 39°C sur Mendoza en fin de semaine dernière. « De notre côté, cela nous aide parce que la chaleur vient sécher la vigne et joue sur les traitements contre le mildiou ». Malgré ces évolutions en dents de scie, les fortes températures n’auront pas eu d’incidence pour l’heure sur le déroulement de la maturité. « Nous commençons à faire les prélèvements de pinot noir et de chardonnay pour nos bases d’effervescents en méthode traditionnelle que nous récoltons à 11°C vers la fin janvier, début février ». Aucun blocage de maturité n’est à déplorer sur le domaine jusqu’à présent, et les fortes montées de température ont pu être compensées par des nuits qui restent fraîches, à plus de 1 000 mètres d’altitude.
Ailleurs, le scénario est parfois moins favorable : dans les zones plus basses, la maturation des raisins risque d’être bouleversée, même s’il est encore trop tôt pour connaître précisément l’impact de la chaleur. De plus, la canicule s’ajoute à d’autres intempéries, notamment des orages de grêle à la mi-décembre qui ont touché quelque 5 800 hectares de vignes dans différents départements de la province de Mendoza. Toujours est-il que, pour le moment, on table sur une bonne récolte, aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif. « Nos premières prévisions en décembre faisaient état d’une baisse de 4 %, la récolte serait donc très similaire à celle de 2021 », note Eduardo Sanchez, président de la Fédération des coopératives argentines (Fecovita) qui représente 5 000 petits et moyens producteurs. Et de pointer toutefois des disparités volumiques prévisibles selon les zones de production. D’après le courtier international Ciatti, la récolte 2022 pourrait se situer entre la moyenne (2,4 à 2,5 millions de tonnes) et la production 2021 (2,2 millions de tonnes).
Si ces premières prévisions quantitatives et qualitatives se confirment, elles pourraient permettre aux exportateurs argentins de poursuivre sur leur lancée de 2021. Malgré des volumes qui s’inscrivaient en baisse de 9,3 % entre janvier et novembre, notamment à cause d’un recul de 34,6 % des expéditions en vrac, les valeurs étaient au rendez-vous avec un chiffre record dépassant le milliard de dollars US (878 millions €). Selon les données de l’Instituto nacional de Vitivinicultura (INV), le prix moyen au litre est passé de 3,49 USD (3,07 €) en 2020 à 3,70 USD (3,25 €) l’an dernier, le vrac ayant fait un bond de 45 % pour atteindre 64 cts (0,56 €).
Reste à savoir quel impact la pandémie, la crise logistique mondiale et la pénurie de bouteilles auront sur les exportations en 2022, sans parler des effets de l’inflation sur les coûts de revient. Pour sa part, le domaine Bousquet mise, non seulement sur le bio – « qui permet d’aller chercher de la croissance sur des marchés globalement stables » - mais aussi sur des produits novateurs, comme ses vins en cannettes pour le marché américain et ses malbecs élaborés en macération carbonique. Cela, sans parler de ses investissements dans l’oenotourisme, qui se sont concrétisés dernièrement par l’ouverture un hôtel de 9 chambres, « dans l’esprit "artisanat chic" du domaine ».