i l’apparition soudaine d’un coefficient réduisant de 10 à 25 % les indemnisations de pertes de récolte liées au gel 2021 des domaines non-assurés, selon la virulence départementalale du mildiou, agite autant qu’il consterne le vignoble français ce début d’année, son insatisfaction semble totalement partagé par l’instigateur de cette mesure : le ministre de l’Agriculture. En déplacement ce vendredi 14 janvier dans le vignoble de Gaillac (Tarn), Julien Denormandie joue cartes sur table avec les représentants de la filière : « ce truc pour moi, c’est la pire des emmerdes. Parce que je ne peux pousser les curseurs que dans la limite de ce que j’ai le droit de faire. C’est une obligation, on doit prendre en compte les autres raisons de pertes de récolte » dans le dispositif des Calamités Agricoles.
Rappelant que le taux de réfaction chiffre l’impact du mildiou sur l’ensemble des pertes de récoltes (et non la perte de récolte liée à la maladie cryptogamique), le ministre répète ne pas avoir le choix : « je suis obligé de prendre en compte le mildiou pour bénéficier des aides d’État et par souci d’équité pour les assurés, qui ont ce taux de réfaction (avec la différence d’un constat sur place, domaine par domaine) ». Faisant état d’une « galère intersidérale », Julien Denormandie rappelle qu’au premier taux de réfaction national de 25 % des aides (d’après des « données météorologiques ») succèdent des taux départementalisés de 0, 10, 20 ou 25 %.


Une solution qui suscite une vague d’incompréhension dans le vignoble… ce que comprend tout à fait le ministre. « Entre un vigneron dans un département et son voisin dans un autre département qui vont voir des différences d’indemnisation, le premier va se dire "pourquoi est-ce que le second touche plus que moi alors que l’on a 2 km d’écart ? C’est vraiment ces gens déconnectés de la réalité depuis Paris". Non, pas du tout ! » déclare Julien Denormandie, qui explique qu’« on peut avoir dans un département une frange très meurtrie et une autre qui ne l’est pas. Ce serait plus intelligent d’avoir une approche hyper territorialisée, mais je ne sais pas faire. Sauf à vous remettre [les aides] dans deux ans. »
« Je ne peux pas faire moins en termes géographiques, ni un chiffre par canton, ni par domaine » ajoute le ministre, manquant à la fois de de moyens humains pour aller dans chaque zone (sachant que les dégâts ne sont plus visibles) et de ressources numériques pour modéliser des impacts (à partir des données météorologiques). « Je suis obligé de faire un taux de réfaction par département. Et là les emmerdes commencent. Parce que vous avez un effet de frontière [mais] je ne sais pas faire autrement, sauf à créer une usine à gaz » poursuit Julien Denormandie.
Accueillant la délégation ministérielle sur sa propriété, Nathalie Vayssettes (domaine Vayssettes, 28 hectares à Gaillac) a subi 20 à 25 % de dégâts liés au gel, sans être assurée contre les gelées. La vigneronne milite pour « arriver à obtenir au moins le taux de réfaction de nos voisins de l’Aveyron (10 %) et au mieux celui de l’Aude (0 %), alors que nous sommes aujourd’hui à 25 % ». La perspective d’une révision soudaine à la baisse est « une remise en question. On va espérer que cela aboutisse positivement » indique la présidente des Vignerons Indépendants du Tarn. « L’essentiel, c’est que le travail technique qui a été fait avec l’aide de la Chambre d’Agriculture du Tarn puissent être pris en compte » confirme la députée de la majorité Marie-Christine Verdier Jouclas, pour qui « il faut que l’on puisse au moins revenir sur le taux maximum pour voir la réalité du terrain ».


« À la fin des fins sur ce taux de réfaction, de toutes les manières je vais me faire engueuler [mais] je n’ai pas d’autres choix » glisse avec pragmatisme Julien Denormandie pour qui « le dispositif que l’on a mis en place répond à un double défi : être ambitieux et rapidement mis en œuvre ». Évoquant également la réforme de l’assurance récolte (voir encadré), le ministre répond aux inquiétudes exprimées par la filière : les versements des exonérations de cotisations MSA viendront après le paiement des calamités agricoles (pour tenir compte des réglements d'aide d'Etat applicables), le rachat de franchise de 2,5 % des assurés va bientôt démarrer et les aides pour l’aval seront prochainement précisées.
Interpelé sur les demandes de la filière vin de préciser la réforme de l’assurance récolte (notamment pour des subventions raccordées, le ministre martèle sa stratégie de ne pas rentrer dans les détails pour pouvoir faire aboutir ce nouveau système dans les principes. Soit « une position très claire : ce projet de loi fige une refonte totale. Il nous offre un outil incroyable de politique publique pour accompagner les agriculteurs. Il faudra que collégialement nous ayons le courage dans les prochains mois de fixer culture par culture les taux de franchise, les taux de subvention et les seuils dans des contraintes financières. Et de les faire évoluer si les assureurs jouent, ou pas, suffisamment pas le jeu. »
« Une fois la loi votée, nous serons sûrs que l’on ne pourra pas revenir en arrière. Il faut juste être sûr qu’il y aura quelqu’un qui ait de la poigne pour mener au bout la réforme. Si l’on est encore là, on le fera » glisse dans un sourire Julien Denormandie, soulignant qu’après la mise en place du nouveau système assurantiel en 2023 il faudra se pencher sur la réforme de la moyenne olympique (nécessitant la révision des complexes accords de Marrackech auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce).