n cette fin d’année propice aux bons repas et belles bouteilles, vous pensiez que la dégustation de vin était un marqueur culturel et convivial d’un art de vivre immémorial ? Détrompez-vous ! Pour les nouveaux hygiénistes, il s’agit d’une pratique dommageable et par trop banalisée dans le quotidien des citoyens. Une pratique dangereuse qui serait à mettre au ban d’une société réprouvant de tels comportements inconscients (pour ne pas dire les condamnant). Dans son récent rapport, le comité spécial du parlement européen sur le cancer indique qu’il n’y a « pas de niveau de sécurité » en termes de consommation d’alcool et appelle les politiques publiques à agir en conséquence (alimentant les craintes de la filière d’un zéro consommation = zéro production).
Un programme qui ne se cantonne pas à Bruxelles, ayant été porté ces derniers mois dans l'Hexagone par Santé Publique France, l'INSERM, Cash Investigation... Appelant à la « débanalisation », après la « dénormalisation », ces tenants du principe de précaution appellent à réduire la consommation de boissons alcoolisées. Oubliant que la consommation française de vin ne cesse de diminuer, suivant le « moins mais mieux » bien connu de la filière, qui prône une consommation modérée inconcevable pour les ligues de vertu modernes. Affûtant leurs arguments et fourbissant leurs propositions prohibitionnistes alors qu’approchent les élections présidentielles et législatives de 2022, nos hygiénistes proposent de vieilles antiennes : plus de taxes, moins de communication, plus de contraintes, etc.
Pour éclairer ce débat, les Lettres persanes de Montesquieu restent d’actualité pour leur tricentenaire. Revenons ainsi sur son analyse des effets contre-productifs de l’interdit dans la lettre XXXIII. Le baron de la Brède* y fait écrire au seigneur Usbek que « le vin est si cher à Paris, par les impôts que l’on y met, qu’il semble qu’on ait entrepris d’y faire exécuter les préceptes du divin Alcoran qui défend d’en boire. [Mais alors que] la Loi interdit à nos princes l’usage du vin, ils en boivent avec un excès qui les dégrade de l’humanité même ; cet usage, au contraire, est permis aux princes chrétiens, et on ne remarque pas qu’il leur fasse faire aucune faute. L’esprit humain est la contradiction même : dans une débauche licencieuse, on se révolte avec fureur contre les préceptes ; et la Loi, faite pour nous rendre plus justes, ne sert souvent qu’à nous rendre plus coupables. »
On ne saurait mieux dire que l’auteur De l’Esprit des lois. Si ce n’est ajouter que la rédaction de Vitisphere vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année, à vous et vos proches.
* : Propriétaire de vignobles bordelais, Montesquieu précise dans cette lettre que « lorsque je pense aux funestes effets de cette liqueur, je ne puis m’empêcher de la regarder comme le présent le plus redoutable que la nature ait fait aux hommes ».