Chiffon rouge
Le ministère de la santé veut rendre "anormale" la consommation de vin

Objectif de la politique de santé 2018-2022, la dénormalisation des boissons alcoolisées ne laisse pas insensible le vignoble. Dont les élus pourraient même envisager de ne pas rendre leur plan de filière aux États Généraux de l’Alimentation en signe de protestation.
Déjà bien entamé par la campagne du tire-bouchon de l’Institut National contre le Cancer, le capital sérénité des élus viti-vinicoles semble sur le point d’exploser avec la découverte de la Stratégie Nationale de Santé 2018-2022. « Cadre de la politique de santé en France définie par le gouvernement », ce plan a été publié début novembre. Il se fixe notamment l’objectif de « réduire le nombre de personnes souffrant de pratiques addictives (tabac, alcool, substances psychoactives licites et illicites…) » Pour se faire, il est notamment question de « réduire l’attractivité des substances psychoactives par la dénormalisation* ». Par « dénormaliser », il faut entendre « rendre anormal » : la consommation de vin ne serait plus ordinaire, mais irrégulier, pour ne pas dire coupable, n’étant plus vue que comme l’absorption d’un breuvage psychoactif.
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En l’absence de précisions, pour ne pas dire désolidarisation, du gouvernement de ces inquiétantes orientations, des représentants de la filière évoquent la possibilité de ne plus coopérer avec l’exécutif. Ce qui passerait par un retrait de leur participation aux États Généraux de l’Alimentation (ÉGA). Demandée suite au discours présidentiel de Rungis, la rédaction des plans d’avenir des filières agricoles françaises occupe les représentants de la filière vin depuis octobre (voir l’encadré pour plus détail). Mais « on ne peut pas demander en même temps à la filière vin de travailler à son développement, tout en considérant la consommation de son produit comme anormale » s’emporte un élu du vignoble. Pour lui, cette dénormalisation lancerait non seulement un signal néfaste pour les consommateurs en France, mais aussi à l’export. « Comment les étrangers pourraient-ils vouloir consommer nos vins s’ils sont considérés comme néfastes en France ? » soupire-t-il.
* : Sont aussi envisagées les pistes de « politique fiscale de santé publique » et de « limitation de l’exposition des jeunes à la publicité ». L'interdiction pure et simple n'étant, a priori, pas envisagée, comme le regrette la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, invitée politique de Radio Classique ce 9 novembre : « on me demande d’interdire le glyphosate, qui est un cancérogène probable. L’alcool et le tabac ce sont des cancérogènes certains, de niveau 1, et malheureusement je ne les interdis pas. J’aimerais bien, peut-être. »
D’après les premiers éléments ayant filtré sur ce plan de filière, quatre thématiques sont traitées :
1. La création et le partage de la valeur (prix, contractualisation, cagnotage de la grande distribution…), dans un groupe de travail animé par Stéphane Héraud (Assemblée Générale des Producteurs de Vin) et Jean-Bernard de Larquier (ancien président du Bureau National Interprofessionnel de Cognac).
2. L’export (aides à la promotion, barrières non-tarifaires…), suivi par Georges Haushalter (ancien président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) et Thomas Montagne (président des Vignerons Indépendants de France).
3. La résilience des entreprises aux crises économiques et climatiques (réserves, Volumes Complémentaires Individuels, fiscalité et assurances…) par Didier Peterman (le président du Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace) et Jérôme Volle (vice-président de la FNSEA).
4. La Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises (consommation responsable, contrats saisonniers, recherches et engagements environnementaux…) par Michel Carrére (vice-président de l’Interprofession Vins du Sud-Ouest) et Bernard Farges (président de la Confédération National des Vins et Spiritueux AOC)
Reposant sur un timing serré, l’exercice de synthèse sera conduit par Jérôme Despey (président du conseil vin FranceAgriMer) et Jean-Marie Barillère (président du Comité National des Interprofessions Vinicoles).