e légendaire douceur angevine a été malmenée ces dernières semaines. En cause : la refonte du cahier des charges de l’appellation Anjou Rouge. L’AOC perd du terrain depuis des années. Elle a divisé ses volumes par deux en 15 ans, pour afficher quelque 35 000 hl sur les dernières campagnes. “Il nous faut agir pour sauver notre appellation”, martèle François Martin, le président soutenu par son bureau. L’un des problèmes est connu : l’encépagement. L’Anjou Rouge est constitué pour l’essentiel de cabernet franc ou cabernet sauvignon, auxquels peuvent être adjoints depuis peu 10 % de grolleau noir. Et c’est le cépage – très local – qui a mis le feu aux poudres récemment.
Face aux dérèglements climatiques, les responsables de l’appellation ont jugé que le cabernet n’était pas toujours adapté. En cas de sécheresse, il produit des vins trop alcooleux, austères, tanniques. Bref tout l’inverse de ce qu’on attend de cette appellation qui revendique des vins souples, fruités. L’une des pistes travaillées par l’AOC a été d’augmenter le cépage grolleau. Il présente l’intérêt d’être moins sensible à la sécheresse, d’être plus résilient face au gel, et de présenter un profil de vins plus ronds. Preuves à l’appui, via deux années de travail avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), les vignerons ont donc demandé à l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO) de pousser le curseur du grolleau jusqu’à 49,9 % pour conserver le cabernet franc ou sauvignon en cépage principal.


La commission d’enquête de l’Inao qui a étudié le dossier a proposé à la section un assemblage obligatoire de grolleau et de cabernet franc ou sauvignon, de 1 à 49 %, pour donner une identité encore plus forte au produit via un cépage local. Proposition reprise à son compte par la section, mais repoussée par une partie de la production. Une majorité parce qu’ils étaient contre l’obligation d’introduire du grolleau, et une minorité parce qu’ils ne jurent que par le cabernet. Alertée par quelques-uns, la presse locale s’est saisie du sujet, provoquant l’ire des responsables de l’appellation qui auraient préféré un débat en interne plus serein. “On a entendu ceux qui étaient contre, mais il ne faut pas oublier ceux qui sont pour”, souligne Frédéric Bodineau, l’un des membres du bureau de l’AOC.
Au final, après une réunion d’informations, suivie d’une dégustation de vins assemblés et de grolleaux 100 % vinifiés en rouge, avec notamment de nouveaux clones de l’IFV, l’assemblée générale a voté une nouvelle proposition qu’elle portera à l’Inao : une augmentation optionnelle de la proportion de grolleau jusqu’à à 30 %. Si le projet est validé, les vignerons se donnent cinq ans pour poursuivre les échanges techniques et les dégustations autour de l’assemblage cabernet-grolleau, persuadés qu’ils sont, que c’est la voie à suivre pour présenter des vins adaptés aux évolutions climatiques, mais aussi aux goûts des consommateurs, en particulier des plus jeunes.