021, millésime des bouleversements de podium. Si le gel, le mildiou et la sécheresse participent à la chute de la France à la troisième place des pays producteurs de vin en Europe et dans le monde, cette année chaotique voit les Charentes doubler le Languedoc-Roussillon en termes de production nationale. Alors qu’il arrive encore que le vignoble charentais soit oublié des cartes viticoles, cette première place s’explique en partie par l’ugni blanc, cépage tardif représentant 98 % des surfaces de Cognac plus épargné que d’autres cépages blancs par les gelées. Cette récolte charentaise correcte, malgré les vents contraires, témoigne aussi des investissements charentais dans les nouvelles plantations (+3 129 ha/an sont prévus), dans le renouvellement de son vignoble (face aux maladies du bois), ainsi que des achats de matériels de pulvérisation et de travail du sol (permettant de gagner en réactivité sur un millésime aussi éprouvant).
Si les rendements sont aussi hétérogènes à Cognac que dans les autres vignobles, le déblocage de la réserve climatique va lisser les capacités de mise en marché. Et alimenter les succès commerciaux qui continuent d’être enregistrés à l’export (98 % de la consommation), grâce à une demande toujours forte aux États-Unis (plus seulement sur la cible afro-américaine, des ambitions naissant sur les communautés asiatiques et latinoaméricaines). Si le modèle champenois est souvent cité par les vins tranquilles AOP et IGP pour ne plus subir des ruptures d’approvisionnement après d'importants aléas climatiques, l’organisation de Cognac a indéniablement la gagne, partageant avec la Champagne les mêmes grands groupes et la même gestion fine du potentiel de production par l’interprofession.
Affichant un rôle de protection de l’AOC (du droit des indications géographiques aux tensions géopolitiques), le Bureau National Interprofessionnel du Cognac permet de modéliser une vision de long-terme des besoins du marché. Un modèle reposant certes sur des spécificités fortes (monocépage, monoappellation, peu de millésime, longue capacité d’élevage etc.), mais qui, à défaut d’être transposable en l’état, peut inspirer des politiques interprofessionnelles volontaristes de contractualisation pluriannuelle, de renouvellement du vignoble et d’adaptations des pratiques à la transition environnementale. Bref, tout pour inciter à recruter nouveaux vignerons : le renouvellement restant au cœur du défi d’avenir du vignoble français, pour ne pas rester au bas du podium et des linéaires.