Marie Jalenques, œnologue-conseil au laboratoire Natoli & associés, et ses collègues ont mis au point une méthode pour obtenir des vins blancs thiolés, y compris de cépages ne renfermant pas ce type d’arômes. Un résultat concluant.
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Un chardonnay avec des arômes de poire, une complexité variétale, et des notes de pamplemousse et de buis », décrit Marie Jalenques, Å“nologue-conseil au laboratoire Natoli & associés. Des traits peu communs pour ce cépage. « En 2020, nous avons essayé une nouvelle méthode empirique pour obtenir plus de 3-Mercaptohexanol (3-MH) dans des vins blancs, sur des cépages thiolés comme le sauvignon blanc et le vermentino, mais aussi non thiolés comme le chardonnay », a expliqué l’Å“nologue, lors du webinaire organisé par Vinseo le 25 mars dernier.
Pour se faire, elle a conseillé aux vignerons, que son équipe et elle accompagnent, d’hyperoxyder des fins de presse de moûts blancs de différents cépages chez ses clients. Ces jus sont souvent écartés en raison de leur richesse en tanin, mais ils contiennent également des acides linoléiques et linoléniques. « Avec l’hyperoxygénation, il y aura une synthèse accrue d’E-2-hexenal issu de l’acide linoléique. Avec l’H2S, cet hexenal est impliqué dans une voie biogenèse du 3-MH mise en évidence par Schneider et son équipe en 2006. Cette voie peut produire jusqu’à 10 % du thiol présent dans le vin », détaille l’Å“nologue.
ll faut l’ajouter au pic de production de l’H2S par la levure
Une fois ce jus obtenu, les vignerons l’ajoutent au moût dont ils souhaite booster l’aromatique, au tout début de la fermentation alcoolique. « Il faut l’ajouter au pic de production de l’H2S par la levure, soit à une baisse de densité de 10 points. »
Au préalable, elle conseille de coller le jus hyperoxygéné à la caséine, entre 20 et 60 g/hl pour éliminer les quinones issues de l’oxydation des tanins et qui peuvent brunir le moût. « Il faut conserver à 15 °C le jus hyperoxygéné pour éviter un départ en fermentation et l’ajouter, après collage, directement à un autre moût », soutient l’Å“nologue.
« Sur les cépages thiolés, les notes de pamplemousse et de buis sont accentuées. Mais le résultat nous a impressionnés sur le chardonnay. Un chardonnay thiolé, c’est peu commun et cela peut permettre au domaine de se démarquer. Les consommateurs demandent des vins frais et aromatiques », explique Marie Jalenques.
Le laboratoire n’a pas réalisé de comparaison, ni dosé 3-MH dans les vins ainsi vinifiés. « Mais nous sommes convaincus de l’efficacité de cette technique. Cette année, nous allons la tester sur vin rosé. »