Je n’ai plus de FML qui traine, ni de développement de bactéries acétiques ou de Bretts » annonce Louis-Michel Musyt, propriétaire du Château Carbon d’Artigues à Bordeaux dans les Graves. Depuis 2018, ce vigneron utilise des Lactobacilles plantarum pour effectuer ses fermentations malolactiques au lieu des classiques Oenococcus oeni. « J’ai commencé par un test sur quelques hectos de merlot, et en 2019, je m’en suis servi sur 75 % de ma production de rouges, soit 750 hl », explique Louis-Michel Musyt.
Le mode d’emploi de ces bactéries ? On les apporte en co-inoculation, 24 heures avant la FA. « Pendant la FA, elles dégradent l’acide malique en acide lactique en 3-4 jours, maximum 7, sans montée de volatile. Elles ne dégradent pas les sucres en acide acétique une fois la FML terminée, comme peut le faire Oenococcus oeni » détaille Francine Vidal, cheffe produit bactéries chez Lallemand, qui commercialise ML Prime, une des deux préparations 100% lactobacilles du marché, celle qu’utilise Louis-Michel Musyt.
« En moyenne, mes vins font leur FML en 24 heures, détaille le vigneron. Comme cette bactérie colonise le milieu, je peux ne pas sulfiter mes moûts et donc choisir les lots qui partiront sur des cuvées sans soufre ou sur des élevages longs avec sulfitage. Mais la trame aromatique des vins est différente avec les lactobacilles. Les vins sont moins fruités et légèrement sur l’évent puis le fruit revient au début de l’élevage, ce qui me convient ».
Si Louis-Michel Musyt continue d’utiliser Oenoccocus oeni c’est « pour des raisons de coût, non pas pour des raisons techniques », affirme-t-il. ML Prime « coûte entre 3 et 4 €/hl », annonce Sandra Escot, responsable commerciale œnologie France chez Lallemand. Soit près du double des moins chères des O. oeni. ML Prime se présente sous forme lyophilisée à conserver 18 mois à 4°C.


En revanche, contrairement à une idée répandue, les lactobacilles sont bel et bien capables de réaliser des malos complètes. Mais à certaines conditions. Lallemand a misé sur la pédagogie pour les détailler. « Les lactobacilles sont à utiliser à un pH supérieur à 3,4. La teneur en acide malique doit être inférieure à 3 g/L et la température de vinification entre 20 et 26°C. Enfin, ils supportent, au plus, 5 g/hl de SO2 apporté à la vendange » explique Francine Vidal.
« Il est vrai qu’au début des vinificateurs utilisaient les lactobacilles comme les oenococcus oeni, c’est-à-dire en fin de fermentation pour certains ou sur des vins dont le pH n’était pas adapté, ce qui est absolument inefficace. Nous n’avions peut-être pas été assez insisté sur la nécessité de suivre notre protocole », confirme Anne-Claire Bauquis, responsable marketing chez CHR Hansen qui a commercialisé la première préparation 100 % lactobacilles en 2014, appelée NoVA.
En plus de leur coût, la faiblesse des lactobacilles est de ne pas capturer l’acétaldéhyde produit par les levures pendant la fermentation. « A ceux qui veulent les utiliser, nous conseillons d’employer des levures faiblement productrices d’éthanal. Dans ce cas, n’avons jamais eu de retours sur ce côté oxydatif », recommande Francine Vidal.