idant les chais pour remplir les trésoreries, la campagne de distillation de crise bat son plein dans le vignoble bordelais depuis que le pourcentage de réalisation de 58,33 % des volumes a été communiqué (en attendant une possible rallonge budgétaire). Mais alors que les distillateurs doivent traiter et expédier 425 000 hectolitres de vins excédentaires* avant le 15 septembre prochain, ils ne recevront les subventions qu’en fin d’année. Les distilleries ne doivent ainsi reverser les aides de 58 €/hl pour les vins de France et de 78 €/hl pour les vins AOP et IGP que le 30 novembre 2020 au plus tard à leurs souscripteurs bénéficiaires (caves particulières et coopératives et négociants). N’étant « qu'une boîte aux lettres pour le reversement » d’importantes sommes, les distillateurs ne pourront « pas anticiper les paiements aux viticulteurs avant que les aides de FranceAgriMer ne nous soient versées (entre le 15 et le 31 octobre) » rapportait récemment un distillateur alsacien à Vitisphere.
Face à ces délais de paiement, les principaux organismes bancaires de Nouvelle-Aquitaine ouvrent des avances de trésorerie à leurs clients (du moins ceux ne présentant pas de fragilités économiques disqualifiantes). Ayant diffusé une offre à clientèle, le Crédit Agricole « a mis en place un dispositif pour faire le relai de trésorerie dans l’attente des paiements de distillation. Comme nous sommes en phase de production, cela permet d’aider les viticulteurs dans le cadre d’une trésorerie tendue, le temps d’attendre versement » explique Patrice Gentié, le président de la caisse régionale du Crédit Agricole. Adossées aux notifications de FranceAgriMer, ces avances seront rapidement traitées précise le pépiniériste lot-et-garonnais, qui préconise un dispositif généralisé aux entreprises viticoles.


Interrogée par Vitisphere, mais ne souhaitant pas communiquer ouvertement sur le sujet, une autre banque indique pour sa part étudier de telles avances pour ses clients, mais seulement au cas par cas, selon une approche globale de cohérence d’ajout d’encours. « Nous avons déjà mis en place des reports de paiements et des Prêts Garantis par l’Etat (PGE), il ne s’agit pas de faire un mille-feuille de court-termes difficiles à rembourser » explique une animatrice de marché viticole dans le Sud-Ouest.
« Pour l’instant, nous n’avons pas de demandes d’avances, mais nous savons qu’il peut y avoir des besoins. Nous pourrons faire des avances sur ces rentrées d’argent à venir » indique Thierry Hiere, directeur de marché pour la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique. Le banquier ajoute que 20 % de ses clients vitivinicoles ont déjà sollicité un report d’échéances et que 20 % ont également contracté un PGE
Poussés par les élus de la filière vin, les Prêts Garantis par l’État sont très demandés dans le vignoble confirme Patrice Gentié. Qui rappelle que le PGE est « un apport de trésorerie pour passer le cap difficile [de la crise du coronavirus], avec un remboursement selon la santé des entreprises un an après le prêt (avec la possibilité de transformer le court-terme en moyen-terme, sur cinq ans) ». Si ces outils bancaires permettent de donner des liquidités aux entreprises pâtissant de difficultés de commercialisation, la situation bordelaise reste globalement préoccupante alors que la crise du coronavirus suit un schéma inédit, impossible à anticiper.
En attendant à Bordeaux les effets de la distillation (mais aussi d’une aide au stockage, ainsi que des réductions de rendement et de la mise en place d’une réserve interprofesionnelle), « la question reste la relance de l’activité d’achats du négoce, pour vider les chais et augmenter les cours avant les vendanges » note Thierry Hiere, qui indique que « pour l’instant il n’y a pas de casse. [Mais] il faut être prudent, certaines entreprises sont maintenues par le PGE. Momentanément ça va, mais attention s’il n’y a pas de reprise commerciale. »
* : Avec 728 000 hectolitres de vins AOC inscrits dans la distillation de crise selon les dernières données du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, le vignoble girondin aurait 425 000 hl de vins excédentaires à distiller selon le taux de réfaction de 58,33 %.