Rendements, réserves et VSIG
L'AOC Bordeaux vise une réduction de 20 % de sa production 2020

En réponse à ses difficultés commerciales et en complément à la distillation de crise, le syndicat viticole bordelais envisage une baisse globale de son potentiel de production : -10 % de rendements, avec la mise en place d’une mise en réserve interprofessionnelle pour les rouges, ne pouvant être levée qu’en cas de revendication en vin sans indication géographique de 10 % des surfaces.
Etudiant tous les leviers pour rééquilibrer son surplus d’offre avec une demande souffreteuse, le syndicat de l’appellation Bordeaux envisage une baisse conséquente de ses rendements pour le millésime 2020. Adoptés en conseil d’administration, les rendements autorisés en 2020 doivent être soumis ce lundi 22 juin à la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB). Pour l’AOC Bordeaux rouge, le rendement passerait à 50 hectolitres par hectares (contre 54 hl/ha la récolte passée, selon la FGVB), avec 6 hl/ha de Volume Complémentaire Individuel (VCI, contre 11 hl/ha en 2019). Pour les Bordeaux Supérieurs le rendement 2020 seraient de 48 hl/ha plus 6 hl/ha de VCI (contre 48 et 11 hl/ha), pour les Bordeaux blanc de 60 hl/ha (contre 65 hl/ha), et les Bordeaux rosés et clairet à 55 hl/ha (contre 59 hl/ha).
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La mise en place d’une réserve interprofessionnelle pour les vins rouges doit accompagner cette réduction des rendements autorisés. S’élevant à 5 hl/ha pour les AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, cette mise en réserve concerne les derniers 10 % des rendements autorisés. A partir de 45 hl/ha pour les Bordeaux rouges et de 43 hl/ha pour les Bordeaux supérieurs, les volumes supplémentaires sont bloqués commercialement sur une année par l’interprofession afin d’alléger les volumes commercialisables. La seule manière de débloquer ces volumes pour les producteurs est de s’engager à déclasser 10 % de son vignoble AOC Bordeaux en vins de France (vin sans indication géographique, VSIG). Pour débloquer cette mise en réserve, une renonciation à l'appellation doit être signée d’ici le 31 juillet.
Déjà utilisée en 2011, cette mécanique de réserve interprofessionnelle doit décaler les mises en marché tout en incitant à la diversification hors AOC. Déjà étudié l’an passé, le déclassement d’une partie de l’AOC Bordeaux serait renforcé ce millésime. A l’étude pour l’AOC Bordeaux, cette réduction des rendements et cette mise en réserve est saluée par les autres appellations, sans créer de vocations. « L’équation est compliquée. Si l’on diminue les rendements, le prix de revient diminue immédiatement alors que les cours sont déjà très bas » note Françoise Lannoye, la présidente de l'union des Côtes de Bordeaux. Qui indique que son AOC n’est pas portée sur la baisse des rendements, ni sur la réserve interprofessionnelle : « nous avons de la grêle et une forte pression mildiou, tout ça mis bout à bout nous, ne ferons pas les rendements. » Pour François Lannoye, « il faut être plus actif sur les dossiers de la promotion et de la commercialisation. Ce sont les vrais nerfs de la guerre ! »
Alors que le vignoble bordelais a produit 4,8 millions d’hectolitres de vin en 2019 (- 1 % par rapport à 2018), ses sorties sur la campagne 2019-2020 devraient largement tomber en dessous des 4 millions hl (3,2 à 3,4 millions hl sont évoqués au sein de l’interprofession). Alors que les transactions de vin en vrac sont à l’arrêt le temps des engagements à la distillation de crise (après des tonneaux tombés à 650-700 €), ces difficultés commerciales bordelaises témoignent d’une surproduction à la fois conjoncturelle (crise du coronavirus, incertitudes du Brexit, repli chinois, surtaxes américaines…) et structurelle (changement des couleurs et profils demandés, virage environnemental…). Si la distillation de crise et les baisses des rendements répondent à la conjoncture, le débat s'ouvre à Bordeaux pour une solution plus structurelle.
L’an passé, les rendements étaient de 45,5 hl/ha pour l’AOC Bordeaux rouge (-2 %) et de 41,1 hl/ha pour les Bordeaux supérieurs (+3 %). En hausse de 20 %, le volume de VSIG produit a atteint 140 835 hl (dont 101 092 hl en rouge et rosé, +18 %). L’augmentation des volumes est également de 17 % pour les vins à Indication Géographique Protégée, avec 22 468 hl d’IGP (dont 16 063 hl en rouge et rosé, +3 %).