e voulant optimistes sur la capacité commerciale des vins en grandes surfaces durant les premières semaines du confinement, les analystes d’IRI déchantent désormais : « cette première semaine d’avril est très dure pour le marché [des vins tranquilles] avec un chiffre d’affaires à -13 % » par rapport à l’an passé sur l’ensemble du réseau de la grande distribution (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité et site de vente en ligne). Ce coup d’arrêt « fait basculer dans le rouge le cumul des ventes sur six semaines (-3 %), alors que nous étions plutôt sur une bonne résistance jusqu’à présent (-0,5 %) » détaille Eric Marzec, le directeur d’unité d’IRI.
Toutes les catégories de vins tranquilles ne connaissent cependant pas ce désamour. Les IGP affichent des croissances de leurs ventes de 9 % pour les vins standards et de 10 % pour les vins de cépages de leurs ventes sur mars 2020, quand les AOP se replient de 7 %. A part le Beaujolais (+5 %), les vins AOP sont tous en repli sur les deux dernières semaines de mars : -17 % pour l'Alsace, -15 % pour le Roussillon, -12 % pour Bordeaux, -6 % pour la Provence, -5 % pour le Languedoc, -4 % pour la vallée de la Loire, -2 % pour la Vallée du Rhône... Déjà bien amorcé avec l'esprit de stockage du confinement, le boom des BIB se confirme avec une croissance généralisée des ventes (+57 % pour Bordeaux, +47 % pour les IGP de cépages, +37 % pour le Rhône, +34 % pour la Provence...). Dans ce contexte, ce sont surtout les marques de distributeurs qui tirent leur épingle du jeu (+34 % de ventes en IGP cépages, +26 % en Rhône, +12 % à Bordeaux...).
Alors que les bières et cidres augmentent leurs ventes (+ 7 % sur le début avril, +3 % sur les six dernières semaines), les achats de vins effervescents dévissent avec fracas. L’ensemble de la catégorie enregistre une baisse de 49 % de ses ventes début avril (-28 % sur six semaines), l’essentiel de ce repli venant des champagnes : avec -60 % de ventes pour la troisième semaine consécutive (-63 % sur la semaine 14, -64 % sur la 13 et -62 % sur la 12). Sur les six dernières semaines, le repli atteint -37 %, témoignant d’un esprit tout sauf festif dans les ménages français vivant au rythme dicté par le coronavirus.
Les crémants encaissent pour leur part une chute de 56 % de leurs ventes sur la deuxième semaines de confinement, et même le prosecco est en repli, avec une baisse de 15 % (les vins effervescents étrangers décrochent sur six semaines de 4 %, contre -27 % pour les AOP françaises et -13 % pour les cuves closes et méthodes traditionnelles produites en France). Moteur du segment effervescents, les cuvées bio sont également en repli : -35 % sur les deux dernières semaines. Alors que le prix en fond de rayon reste stable, les commercialisations des marques de distributeurs de vins effervescents augmentent sensiblement (+ 4 %), tout comme leurs parts de marché (de 26 à 30 %).


« En cette période de Foires aux vins de Printemps, ce sont à nouveau les enseignes d’hypermarchés qui concentrent toutes les difficultés, avec un chiffre d’affaires à -43 % sur cette dernière semaine » rapporte Eric Marzec. Les consignes de distanciation sociale, et l’évitement des endroits fermés et passants, poussent les consommateurs à remplacer les très grandes surfaces par de plus petites enseignes (+4 % pour les supermarchés et +22 % pour les magasins de proximité) et par les achats en ligne (+179 % pour le e-commerce). Alors que la période de confinement total doit encore durer, a minima, un mois, l'incertitude reste totale sur l'évolution des consommations de vin : reprise des achats face à la baisse des stocks à domicile, météo printanière boostant les achats de vins blancs et rosés, préparation du déconfinement avec le retour en force des champagnes, déprime économique gelant les dépenses de plaisir... Tous les scénarios restent ouverts, comme tout ce qui touche à cette crise sanitaire aussi inédite que mouvante.