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Revue de Presse n°4 : Le diable, le philosophe et le manga...
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Revue de Presse n°4 : Le diable, le philosophe et le manga...

Par Vitisphere Le 13 octobre 2008
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Revue de Presse n°4 : Le diable, le philosophe et le manga...
A

près une parenthèse vendanges, Catherine Bernard, vigneronne et journaliste, vous propose, pour ce quatrième rendez-vous hebdomadaire, trois livres, très différents, formant, par leurs différences, une sorte de kaléidoscope de l'économie du vin devenu une boisson universelle. Le premier livre est signé de deux journalistes, le second d'un philosophe, et le troisième d'un Japonais.

In vino satanas

de Denis Saverot et Benoist Simmat Albin Michel 242p 16€ Dans la catégorie vin, c’est le best-seller de la rentrée. Denis Saverot est journaliste, rédacteur en chef de la Revue des vins de France, présentée par lui-même dans le livre qu’il signe avec son confrère Benoist Simmat, comme « le premier magazine en langue française spécialisé dans les vins fins » (on n’est jamais mieux servi que par soi-même). La qualité des auteurs explique sans doute que cet essai sur le vin français soit conçu comme une enquête- reportage du magazine Capital sur M6, soit un livre d’anecdotes et de coulisses –on aime tous les dessous- articulées autour d’une dramaturgie genre complot. L’écriture est efficace, comme l’est l’écriture journalistique française quand elle se met au service des béotiens et d’une thèse, en l’espèce, la mise à mort du vin en France. Aucun des maux visibles du vin français n’est donc laissé de côté ; presque tous sont décrits, me semble-t-il, avec une certaine complaisance, peut-être parce qu’au bout du compte ils n’en sont pas réellement (c’est ma thèse, pas celle des auteurs) : le grand bazar des classements, les contrefaçons, les lobbys, du vin, moribonds et maladroits, et les anti-vin, puissants et bien organisés, Parker et la parkerisation, les vrais-faux échantillons et les vraies-fausses dégustations à l’aveugle, la pyramide des AOC, les gendarmes et la loi Evin, Michel Rolland -cité une bonne vingtaine de fois, et Jonathan Nossiter -cité deux fois, les caves de la République et l’uniformatisation du goût. On apprend que les Français ont substitué à leur consommation de vin celle des anti-dépresseurs (p83). Le Parti communiste avait une bonne influence sur la consommation de vin (p33). Claude Buzet, chef de cave à Matignon, a osé sortir du triangle des bermudes du vin Bordeaux/Bourgogne/Champagne et a servi à la reine d’Angleterre un vin de Touraine à moins de 40€, ce dont semblent s’offusquer les deux auteurs (108). Je trouve, pour ma part, cette ouverture plutôt réjouissante. La culture du vin en France est effectivement vacillante, le peu de goût que les nouveaux gouvernants lui portent en étant l’un des signes. Grimm et son bal dans Cendrillon est un mickey à côté de Bernard Arnault dont le dîner servi au château d’Yquem en 2007, est « resté dans les mémoires », au moins celle des deux auteurs (p63) qui le décrivent dans le plus menu détail. Il y a dans le vin, à Bordeaux, plus exactement, un marché du luxe investi par les grandes marques du luxe, ce qui est somme toute assez logique. Ce marché se porte bien, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Au final, on ne sait pas ce que pensent les auteurs du cadeau offert par le négociant bordelais Bernard Magrez aux journalistes du vin au Plazza Athénée ce printemps lors d’une dégustation, « cadeau » (une montre Cartier évaluée à 1700€) dénoncé par le site internet Backchich et par le magazine britannique Decanter (p60). Ont-ils accepté le cadeau ? C’est un bon livre sur les Parker Benz (p77) et les happy few (il y en a à presque toutes les pages).

Le capitalisme esthétique. Essai sur l'industrialisation du goût

de Olivier Assouly Cerf 188p 23€ Olivier Assouly est philosophe. C’est aussi, comparé à Denis Saverot et Benoist Simmat, un vieux monsieur. Le capitalisme esthétique n’est pas du tout un livre sur le vin. Le mot n’y figure même pas une fois. Il ne se lit pas du tout comme un roman. C’est même plutôt un livre savant et difficile. Il n’y a pas un nom célèbre, pas une marque à laquelle se raccrocher, tout le contraire du livre précédent, mais cela vient l’éclairer d’une certaine manière. Dans cet essai où la pensée fait des méandres, Olivier Assouly s’exerce à cerner le goût et son rôle, déterminant, dans les économies modernes. C’est en cela qu’il intéresse ceux que le vin intéresse. Il part de l’étymologie (le goût vient du grec anomalia ce qui est déjà en soi tout un programme) et passe par son inscription dans l’histoire. Le goût était l’art des courtisans de se distinguer à la cour, une arme tout autant économique qu’existentielle : « Sous son voile de raffinement et avec ses bienséances, l’ordre pacifique des civilités exprime toute la violence sourde des relations mondaines dont la perte d’honneur constitue le pire des maux. En ce sens, le bon goût nourrit et justifie la promotion comme la disgrâce sociale ». Au fil de l’histoire et de l’industrialisation des biens, le goût, développe Assouly, devient un fondement de la consommation en ce qu’il agit comme un ressort. « Avant l’industrialisation du goût, le produit industriel peut présenter accidentellement de l’intérêt, mais le but du constructeur n’est pas explicitement d’intéresser son public. La consommation industrielle esthétique repose sur son aptitude à fournir une impulsion artificielle à la consommation de marchandises ». L’exercer, c’est faire l’aller et le retour entre l’intime et le collectif, le ressenti et la connaissance, la distinction et le pouvoir. Cette industrialisation du goût, pour aller vite, notre soumission à la mode, aux modes, est une forme de déshumanisation. L’écrivain Rainer Maria Rilke, cité par Assouly, le dit ainsi : « pour les pères de nos pères, une maison, une fontaine, une tour inconnue, leur vêtement même, leur manteau étaient encore des objets infiniment familiers, infiniment plus familiers ; presque tout était un réceptacle, où ils trouvaient déjà de l’humain et accumulaient encore plus d’humain. A présent l’Amérique nous bombarde de choses vides et indifférentes, d’apparences de choses, de simulacres de vie (...). Une maison au sens américain, une pomme américaine, une vigne de là-bas n’ont rien de commun avec la maison, le fruit, la grappe pénétrée de l’espérance de nos aïeux ».

Les Gouttes de Dieu

de Tadashi Agi et Shu Okimoto Glénat Sort ces jours-ci en librairie, l’édition française du tome 4 des Gouttes de Dieu, un manga japonais dédié au vin. Le succès est, dit-on, planétaire, comme le fut la série précédente, Le sommelier, au point de donner au genre un nom, mangavino. Les Gouttes de Dieu se lisent comme se lisaient les romans photos des magazines féminins, mais pas seulement. De goût, comme dans l’essai d’Assouly, il est aussi beaucoup question. Les Gouttes de Dieu racontent comment le goût du vin est venu à un jeune homme. Le goût, c’est de la mémoire. Dans sa mémoire, Shizuku va donc puiser son dégoût puis son goût pour le vin. La mémoire, c’est la trace laissée par les traumas affectifs. Le père de Shizuku était un oenologue célébrissime qui a tenté de l’initier à sa passion du vin mais l’en a dégoûté. Le premier vin que déguste Shizuk - après la mort du père- est un Château Mont-Pérat, millésime 2001. Il le déguste à l’aveugle, l’associe à la musique d’un groupe de rock. Le sommelier qui lui fait déguster ce vin et le connaît devine, lui aussi par association, que le jeune homme pense au groupe Queen. C’est une belle et juste manière de s’initier à la culture du vin, plus sensible et moins vaniteuse que le vocabulaire ébouriffant des beaux livres sur le vin de nos meilleurs sommeliers du monde. Elle vient du Japon, d’un peuple à des kilomètres lumière de notre culture, simplement curieux et respectueux de la nôtre. Mes enfants se régalent.

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