oup de bambou pour les vignobles charentais et gascons. « Nous prenons acte ce [4 juillet], de la décision du ministère du commerce chinois (MOFCOM) de conclure son enquête [antidumping] en imposant un droit moyen de 32,2 % aux eaux-de-vie de vin, de marc et aux brandies de l’Union Européenne [dès ce 5 juillet], alors que nos filières ont démontré depuis 18 mois l’absence totale de dumping sur le marché chinois » pose le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC). Mais la filière peut voir le verre d’eau-de-vie à moitié plein. L’interprofession charentaise note que « ce droit moyen est légèrement inférieur au droit moyen provisoire imposé depuis octobre 2024 » (38 % qui sont provisionnés depuis mi-octobre) et que ses entreprises ayant signé auprès du MOFCOM un engagement de prix minimum pourront le substituer aux 32 % (ce prix minimum imposant +12 à 16 % d’après les premiers retours négociés). D'après une source proche du dossier, 95 % des commercialisations charentaises vers la Chine bénéficieraient de ce cadre protégé.
Pour l’instant, tous les opérateurs charentais n’ont pas pu valider un tel accord avec les autorités chinoises, suscitant l’incompréhension de la filière qui n’en saisit pas les raisons. Premiers opérateurs du cognacs, les trois maisons ayant participé à l'enquête bénéficient de ce dispositif, soit Hennessy (groupe LVMH), Martell (Pernod Ricard) et Rémy Martin (Rémy Cointreau). Cette dernière maison communiquant dès ce 4 juillet sur « la conclusion d’un accord entre les autorités chinoises et certains producteurs de cognac portant sur des engagements de prix minimum applicables aux importations de prix minimum applicables aux [eaux-de-vie de vin] en récipients de moins de 200 litres ». Le négociant ajoutant que « bien que les conditions de cet accord demeurent mins avantageuses que celles en vigueur avant l’ouverture de l’enquête, elles offrent une issue nettement plus favorable ou tout le moins, une alternative sensiblement moins pénalisant que l’application des droits antidumpings définitifs. » S'ils rendent les conditions de commerce plus acceptables, ces prix minimums ne sont dans tous les cas pas une solution durable pour l’export charentais. Qui ne pourrait pas accéder avec cet outil au marché du duty-free.


S’il y un a « un soulagement partiel », il faut « une résolution complète » résume dans un communiqué, spiritsEUROPE qui « regrette la décision prise aujourd'hui par le MOFCOM d'imposer des droits antidumping définitifs de 32,2 % en moyenne à compter du 5 juillet ». Mais son directeur général, Hervé Dumesny, se félicite « néanmoins de la conclusion d'engagements de prix avec certaines entreprises, car ils offrent un allègement partiel, et nous demandons instamment que cette option soit étendue à toutes les entreprises qui ont signé. »
« Ce régime d’engagement de prix minimum, qui ne saurait en aucun cas valoir reconnaissance d’une pratique de dumping, sera moins défavorable que celui des taxes antidumping » indique le BNIC, pointant que « les entreprises en bénéficiant resteront dans une situation dégradée par rapport aux conditions qu’elles connaissaient sur le marché chinois avant la procédure lancée en janvier 2024. » Maintenant sa mobilisation, l’interprofession charentaise relance « le gouvernement français et la Commission européenne pour qu’un accord politique soit trouvé dans les plus brefs délais avec les autorités chinoises pour revenir à une situation sans droits antidumping ». L’enquête et les taxes antidumpings lancées par la Chine en janvier 2024 constituant ouvertement une mesure de rétorsion de Pékin au soutien affiché par Paris aux initiatives de Bruxelles contre les voitures électriques chinoises. Ce qui a mobilisé la diplomatie française, du président de la République au ministre des Affaires étrangères, en passant par le ministre de l’Économie, la ministre de l’Agriculture, le ministre délégué au Commerce extérieur… Avec pour résultat la seule solution, temporaire et imparfaite, de l'engagement de prix minimum.


Si le MOFCOM ne précise pas ce qu’il en sera ce 5 juillet de l’accès au duty-free (fermé depuis fin 2024 alors que ce canal pèse pour 20 % des ventes de cognacs en Chine), le BNIC relève un autre point positif : « la restitution des garanties et la libération des cautions versées depuis octobre 2024 ». Ce 4 juillet « marque la fin de l’enquête antidumping, mais pas celle de notre action pour que l’ensemble de nos exportateurs retrouvent au plus vite un accès sans entrave au marché chinois » indique dans un communiqué Florent Morillon, le président du BNIC, pointant que « dans l’attente, le régime d’engagement de prix minimum offre des conditions plus tolérables pour nos entreprises que les taxes antidumping définitives annoncées, même si l’accès au marché qu’elles permettent reste dégradé ».
Coûtant déjà plus de 50 millions €/mois pour Cognac, la chute des ventes d’eaux-de-vie charentaises en Chine, son deuxième marché en valeur, fait déjà mal à la filière charentaise où l’on reparle ouvertement de crise. Après la mise en réserve climatique, la réduction des rendements, la recherche d’autres débouchés (jus de raisin, vin de base effervescent…) et le Volume Complémentaire Cognac Individuel (VCCI, un arrachage temporaire sans perte de rendement à l’échelle de l’exploitation), Cognac veut ainsi bénéficier d’outils pour arracher, distiller et stocker face aux déséquilibres qui menacent son vignoble et son négoce. Avec des remises en cause de contrats avec le vignoble, des menaces de plans sociaux, des réduction d’activité… Une crise qui concerne aussi les fournisseurs de la filière charentaise (des pépiniéristes pour les plants de vignes aux verriers pour les flacons).
Les négociants arrivent au bout de leur capacités de surstockage. Éric Le Gall, le président du Syndicat des Maisons de Cognac (SMC) indiquant récemment que « ces trois dernières années, les maisons ont acheté 50 % au-dessus de leurs besoins. Ce qui pèse sur les comptes de résultat. Nous avons 12 milliards d’euros d’eaux-de-vie en élevage à Cognac. Avec les taux d’intérêt qui augmentent, les trésoreries sont mises sous pression », alors que les ventes chutent : « nous avons perdu 10 ans de croissance commerciale en 2 ans (2022 et 2023). Il y a eu un début de stabilisation, mais les différends commerciaux avec les États-Unis et la Chine nous empêchent de rebondir. C’est violent. » Ce renversement de marché fait craindre une déstabilisation des autres bassins français producteurs de vins blancs, avec le risque d’une submersion des marchés par des vins d’ugni blanc sans destination.