our le vin de Bordeaux, « il est temps pour notre filière de prendre un nouveau virage » en se basant sur « le pilotage de la filière qui vise à mieux gérer les volumes de production, rétablir un équilibre entre l’offre et la demande, et ainsi réguler le marché » avec l’objectif que « notre stratégie aboutira rapidement à des résultats probants si nous parvenons à unir toute notre filière derrière des objectifs, et fédérer un maximum d’acteurs derrière ce plan d’action » lance Allan Sichel le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). Si le cap pourrait être celui de son discours de fin de deuxième mandat lors de l’assemblée générale se tenant ce lundi 7 juillet après-midi, il s’agit de propos tenus le 17 décembre 2018 lors de son premier mandat pour présenter le plan Bordeaux Ambition 2025. L’outil qui devait donner un temps d’avance au CIVB et donne désormais l’aperçu dystopique du présent souhaité par le monde d’avant.
Si de multiples évènements déstabilisants ont perturbé les vins bordelais (taxes Trump I, crise covid, repli du marché chinois, aléas climatiques, invasion russe de l’Ukraine, crise d’inflation, déconsommation accélérée, tensions géopolitiques, taxes Trump II…), le CIVB indique que sur le plan Bordeaux Ambition 2025 « tous les chantiers ont été travaillés avec des actions concrètes mises en œuvre » sur les six points : « une ambition de développer la valeur et les volumes durablement. Un pilotage et une animation renforcés de la filière. Une marque Bordeaux forte, lisible et visible. Une stratégie digitale relationnelle conquérante au service des entreprises de la filière. Un engagement dans une démarche RSE collective. Une filière mobilisée autour de ses enjeux et engagée plus collectivement dans sa transformation. »
En termes de transformation, sur les dernières années ont ainsi été lancés la tournée commerciale des vins de Bordeaux en 2019, le réseau "Bordeaux Local" et le référentiel "Bordeaux Cultivons Demain" en 2021, l’annualisation de "Bordeaux fête le vin" en 2022, l’obtention d’un arrachage sanitaire régional à 6 000 €/ha en 2023, la nouvelle campagne de communication "Ensemble tous singuliers" en 2024, l’opération "Bordeaux se met au verre" en 2025… Des actions pouvant pour certaines s'inscrire plus ou moins directement dans la lignée de Bordeaux Ambition 2025, pour d’autres non.


Lancé en avril 2017, le plan "Bordeaux, ambition 2025" se présentait en avril 2018 comme « un temps d’avance pour les 7 000 entreprises des vins de Bordeaux » avec « un plan stratégique pour les vins de Bordeaux, structuré autour de plusieurs objectifs : le renforcement d’un pilotage économique de la filière ; la communication autour d’une marque Bordeaux, forte et moderne ; le renforcement d’une stratégie digitale, au service de cette marque et l’engagement collectif vers une démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ». Des objectifs laissent désormais rêveurs, comme « une croissance progressive et durable des volumes » ou le « renforcement de l’analyse des marchés pour construire une prévision de commercialisation ». Mais à l’époque, c’était un cap. Depuis tombé à pic.
Le 17 décembre 2018 à Bordeaux, Allan Sichel affirmait que « l’un des piliers de ce plan porte sur la définition d’une RSE » avec l’ambition « qu’à l’horizon 2025, 100 % de la filière soit engagée dans cette démarche commune ». En conférence de presse le 12 mars 2019 à Paris, Allan Sichel présentait Bordeaux Ambition 2025 en annonçant « la communication autour d’une marque ombrelle, avec un slogan fédérateur : « Bordeaux, capitale des amoureux du vin". Bordeaux est une marque forte, moderne, portée par la Ville et le Vin. Une marque partagée avec différents acteurs (touristiques, culturels, sportifs). » Un slogan semble-t-il oublié après les élections municipales de 2020, le candidat dans la continuité des précédentes majorités, le défunt Nicolas Florian, n’ayant pas été élu maire, avait été soutenu par d’éminents membres du CIVB (Fabien Bova directeur général et Christophe Château responsable de la communication et commissaire général des Fêtes du Vin).


Le 11 juillet 2022, le négociant Allan Sichel était réélu président du CIVB (après 3 ans à la vice-présidence). Il appelait au collectif dans l’esprit du plan Bordeaux Ambition 2025 qui n’est plus évoqué : « collectivement notre filière est puissante ; ensemble, nous pouvons avoir un impact fort et durable, mais pour cela nous devons tous tirer le bateau dans la même direction ». Car « si chacun reste dans sa bulle en ignorant ou critiquant l’action collective, alors nous brouillons nos messages et affaiblissons considérablement leur impact. Évidemment, tout le monde ne peut pas être d’accord avec tout. Les positions du CIVB sont le résultat de travaux et de débats quelquefois laborieux, parfois même agités. C’est ce qui en fait toute la richesse. Mais une fois que les mesures ont été validées au sein des instances, alors nous devons nous les approprier avec conviction, engagement et détermination. Si nous restons dans la critique et la contestation, nous n’avancerons que péniblement. »
A mesure que la crise s’aggrave sans les améliorations attendues, le ton du président du CIVB s’assombrit en gardant comme un squelette les axes de Bordeaux Ambition 2025. « Si notre interprofession n'a pas de solution miracle pour résoudre la crise, elle est là pour accompagner la filière sur toutes ces question » déclare Allan Sichel en assemblée générale le 12 décembre 2022, avançant que le CIVB « dessine, collectivement, des pistes de réponses; elle met en place des outils à destination de ses professionnels, et des opérations d'envergure pour améliorer notre compétitivité et notre visibilité sur les marchés ». Le 17 avril 2023, Allan Sichel lance un cri du cœur : « reprenons confiance. Nous avons toutes les cartes en mains pour rebondir, pour relancer la demande, soutenir les ventes, en valorisant la diversité, la modernité et l’accessibilité de nos vins. » Le 11 décembre 2023, « cela fait plus de trois ans désormais que nous parlons de crise des vins de Bordeaux. De "crises" au pluriel, successives et conjoncturelles - climatiques, sanitaires, géopolitiques. Et puis d’une crise plus profonde, qui s’est installée dans le temps, résultat d’un déséquilibre entre notre offre et la demande » analyse Allan Sichel pour qui « réduire notre volume de production n’aura pas l’impact escompté si, en face, nous ne mettons rien en place pour relancer notre marque Bordeaux, et faire en sorte que les consommateurs reviennent vers elle. »


Et en effet le 29 avril 2024, pour Allan Sichel la stratégie offensive est nette : « restons sur la trajectoire que nous avons tracée : celle d'un vignoble qui se restructure ; un vignoble qui retravaille son offre, l'adapte, l'élargit, la clarifie ; un vignoble qui ose renouveler son image, qui sait écouter le consommateur, qui n'a pas peur d'aller sur le terrain séduire les nouvelles générations ; un vignoble auquel on pense aussi pour l'apéro, dans les festivals, chez le caviste ou sur Instagram ; un vignoble dynamique et créatif qui, en acceptant de se moderniser, redonne envie, tout simplement. » Le 16 décembre 2024, le ton redevient résilient : « Bordeaux a déjà écrit 2 000 ans d'histoire. 2000 ans ponctués, ne l'oublions pas, d'épisodes de prospérité comme de crise. Pour continuer à écrire cette histoire, osons l'évolution, l'innovation, l'adaptation. Saisissons les opportunités. Réinventons-nous. Faisons preuve d'agilité. Au sein de nos entreprises, dans nos gammes de produits, dans nos relations commerciales, mais aussi à l'échelle de notre institution. »
Ce 28 avril 2025, « on le voit, le travail fait depuis un an par notre plateforme de marque "Join the Bordeaux Crew" a contribué à faire évoluer notre image, que ce soit auprès de nos consommateurs fidèles comme auprès des jeunes générations. Reste à convertir les résultats de ce travail en ventes » pose Allan Sichel, qui reste positif : « pour cela, reprenons confiance : nos vins plaisent. Dans l'attente d'une reprise économique dont il est aujourd'hui difficile de savoir quand elle s'annoncera, répétons-nous cela comme un mantra. » Bref, pour le vin de Bordeaux, « il est temps pour notre filière de prendre un nouveau virage ».