e 19 mars 1955 était promulguée la loi instaurant le titre et le Diplôme National d’œnologue (DNœ). Une première dans le monde rappelle l’Union des œnologues de France, glissant que profession réglementée oblige, « l’usurpation du titre d’œnologue est sanctionnée par l’article 433-17 du code pénal » (un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende). Une façon d’unifier des formations jusque-là disparates dans le vignoble*, où l’on trouvait à l’époque le certificat d'études supérieures d'œnologie et chimie agricole décerné par la Faculté des sciences de Bordeaux, le diplôme d'études supérieures d'œnologie remis par la Faculté des sciences de Dijon, le certificat d'études supérieures de bromatologie enseigné à la Faculté de pharmacie de Montpellier, la spécialité viticulture et œnologie des Écoles nationales supérieures d'agronomie de Montpellier et d'Alger.
Aujourd’hui, le DNœ est délivré par cinq centres universitaires (Bordeaux, Dijon, Montpellier, Toulouse et Reims), un cycle en alternance (Toulouse INP-Agro Toulouse) et une formation d’ingénieur agronome (Institut Agro Montpellier). Historiquement, le DNœ est enraciné à Montpellier, où « le professeur de chimie analytique, Paul Jaulmes a proposé avec le professeur Édouard Nègre, directeur de l’Ecole Nationale Agriculture, la création en 1955 d’un nouveau diplôme, le DNœ » rapportent les archives de la faculté d’œnologie Montpellier.


Eclatée sur 4 syndicats et parcours professionnels**, la profession œnologique s’est unanimement exprimée pour « estimer la nécessité d'une reconnaissance nationale du métier d'œnologue par un diplôme approprié » relate Pascal Ribéreau-Gayon dans L’histoire de l’œnologie à Bordeaux de Louis Pasteur à nos jours, (édition Dunod, 2011). Entre les différentes familles d’œnologues de l’époque « l'harmonisation n'a pas toujours été simple. Il a fallu toute l'autorité du professeur Jaulmes pour convaincre les parties en présence et être leur garant vis-à -vis des pouvoirs publics » salue Pascal Ribéreau-Gayon, relevant malicieusement que « la disposition qui prévoyait l'attribution du titre d'œnologue à ceux qui, en 1955, possédait une formation équivalente et à ceux qui pouvaient justifier d'un exercice de ce métier, a bien simplifié l'approbation unanime. Cette disposition a permis de n'écarter personne, mais ensuite la profession a été protégée contre les risques d'usurpation non justifiée. »
De pharmacien à praticien
« Un corps d'œnologues existait à Bordeaux en 1950, mais ils n'étaient pas très nombreux, et […] avaient la possibilité, éventuellement de préparer eux-mêmes des produits de traitement, mais aussi de les prescrire et de les vendre » écrit l’éminent professeur d’œnologie, pointant que « ces différentes activités étaient d'ailleurs, pour eux, beaucoup plus rémunératrices que les analyses et surtout les conseils. [Peu présents lors des vinifications] ils intervenaient plus souvent ultérieurement pour essayer, avec des procédés variés et en s'appuyant éventuellement sur, l'analyse, d'estomper les accidents » car « on peut estimer que, jusqu'en 1950, les connaissances étaient insuffisantes pour pouvoir, avec une bonne précision, prévoir l'évolution du vin et prescrire, si nécessaire, les dispositions qui s'imposaient. » Sans dénigrer les premiers titulaires, Pascal Ribéreau-Gayon reconnait que la création du DNœ « a été marquée par des ambitions relativement limitées, concernant l'accès à la préparation du diplôme et le programme de la scolarité » comme les promoteurs du diplôme n’étaient pas sûr de l’accueil que réserverait la filière vin à leurs élèves. Finalement, ce nouveau diplôme aura accompagné une nouvelle donne œnologique.


Avec « la "révolution culturelle" des années cinquante » comme le rapporte le docteur Émile Peynaud dans Le vin et les jours (éditions Payot, 1996), qui reconnaît être un « témoin parmi les mieux placés pour conter le passé et juger des […] profondes mutations intervenues dans l'art de faire les grands vins [comme il suffit] de déguster et d'analyser les anciennes bouteilles, vestiges du passé, pour mesurer tout le chemin parcouru vers le progrès technique et l'amélioration de la qualité ».
« De simplement correctrice d’accidents (par exemple piqûre acétique) l’œnologie est devenue préventive et expressive du potentiel qualitatif du raisin » pointent Alain Carbonneau et Jean-Louis Escudier dans De l’œnologie à la viticulture (édition Quae, 2022), évoquant comme exemple « l’usage contrôlé du SO2 et la conduite optimisée des fermentations alcoolique et malolactique ; l’ensemble de la chaîne jusqu’au conditionnement t au vieillissement est l’objet de perfectionnements incessants grâce à une panoplie d’outils et de produits. Le point d’orgue est certainement la dégustation sensorielle des vins qui se pratique avec méthode et rejoint la neurologie humaine. »
Savouré, dégusté
« J'ai toujours pensé que le vin ne doit pas être simplement bu, avalé, mais savouré, dégusté » note Émile Peynaud dans le goût du vin (1980, Dunod), glissant qu’à certains œnologues « on avait appris l'œnologie mais si peu la dégustation ».
* : Dans the Oxford Companion to Wine (édition 2015, publiée par Oxford University Press), Jancis Robinson rapporte que la première école européenne de viticulture a été fondée en Saxe en 1811-1812. En 1880 furent lancés les premiers cours de viticulture et d’œnologie à l’Université de Californie et à l’Université de Bordeaux.
** : Soit le bordelais Syndicat national des ingénieurs et diplômés professionnels de l'œnologie, la parisienne Association nationale des ingénieurs techniciens de la vinification (devenant Syndicat des chimistes œnologues et des laboratoires d'œnologie), l'Association des œnologues titulaires du diplôme de l'Université de Dijon et la Section œnologie du Groupement des pharmaciens.