peine arrivé au Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) en tant que chef de projet carbone, Mathieu Oudot a activé le réseau de conseillers viticoles qu’il s’est construit pendant 10 ans à la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire puis lors de son passage au pôle expérimentation du Vinipôle de Davayé. « Nous avons besoin de prescripteurs pour relancer les inscriptions sur la plateforme WinePilot que l’interprofession déploie depuis un an », explique l’ingénieur agronome. En effet, la lutte contre le mildiou ayant occupé les esprits et fait passer l’environnement au second plan en 2024, moins d’une centaine de vignerons sur les 3600 que compte la région ont pris le temps de renseigner leur itinéraire technique sur l’outil. « Il nous faut embarquer beaucoup plus d’exploitations pour identifier les actions à mettre en place et arriver au point de bascule qui nous permettra d’atteindre les - 60% d’émissions de CO2 en 2035 en passant de 380 000 à 150 000 tonnes annuelles », continue Mathieu Oudot.


En animant de petits groupes de prise en main de l’outil, l’animateur du plan « Objectif Climat » s’est rendu compte que de nombreux messages ne sont toujours pas passés. « Les structures qui produisent des rapports extra-financier sont souvent bien renseignées, mais plusieurs viticulteurs sont encore étonnés de voir que le conditionnement compte bien plus que la consommation de GNR dans leur bilan carbone. Nous appuyer sur WinePilot nous permet de reparler plus légitimement de réduction du poids de bouteille ou de réemploi, illustre Mathieu Oudot, qui a aussi remarqué que les idées reçues ont la vie dure. « Il y a des gens qui pensent encore qu’une bouteille allégée est plus fragile, ou que les consommateurs n’en veulent pas. D’où la nécessité de continuer à communiquer, à acquérir de la donnée et à produire du contenu pour faire bouger les choses ! » Mathieu Oudot passe également du temps à discuter avec les verriers ou les cartonniers pour être capable de répondre à toutes les questions techniques qui peuvent lui être posées.
Cette année, le chef de projet veut aussi s’attaquer au transport, qui représente 16% des émissions de CO2. « Nous allons pousser l’arrêt du fret aérien, rencontrer des affréteurs et des apporteurs de solutions décarbonées, comme le transport à la voile, liste-t-il. En tant qu’interprofession nous pouvons mettre en relation les bonnes personnes, avoir un rôle de facilitateur, catalyseur, accélérateur de la transition ».
Le BIVB doit également révéler les résultats du projet Mocca ayant réuni depuis 3 ans plusieurs équipes de recherches autour de l’analyse des stocks de carbone d’un réseau de cinquante parcelles aux pratiques viticoles variées, du calcul de l’empreinte carbone de 96 itinéraires techniques devant déboucher sur un "simulateur" permettant à chaque exploitant de connaître l'impact de ses choix techniques (type d'entretien des sols, brûlage des sarments ou non, engrais utilisé...), et de l’installation dans une parcelle expérimentale à Rully d’une tour à flux de CO2 capable de mesurer les échanges entre la vigne et l’atmosphère.
Même si la cuverie ne représente que 5% des émissions de la filière, Mathieu Oudot aimerait travailler sur l’écoconception et l’utilisation des énergies renouvelables en cave. Et pour compenser les 150 000 tonnes de CO2 que les viticulteurs continueront à émettre chaque année malgré leurs meilleurs efforts, le nouveau "Monsieur carbone" du BIVB va s’intéresser à la plantation de haies au abord des parcelles et s’est déjà rapproché de l’ONF pour initier un programme de reboisement local.