e quoi dynamiser ou dynamiter les élections pour les chambres d’Agriculture ? Dans une filière champenoise habituée à parler d’une voix unie, voici un début de polyphonie dont le niveau de discordance sera donné à l’issue des votes (s’achevant ce 31 janvier). Alors que les Fédérations Départementales des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA) et Jeunes Agriculteurs (JA) présentent de nouveau des listes unitaires avec le Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV), pour la première fois, la Fédération des Vignerons Indépendants de Champagne annonce présenter des candidats sur une liste électorale : sur les programmes de la Coordination Rurale dans l’Aube (avec la vigneronne Salomé Fontaine-Garcia) et la Marne (avec les vignerons Sandrine Girardin, Christine Sévillano, Yves Couvreur et Adeline Martin). Autre mouvement inhabituel cette campagne en Champagne, la Confédération Paysanne affiche une teinte viticole plus nette avec de nombreux vignerons bio sur ses listes, sans que l’Association Des Champagnes Biologiques (ACB) ne sorte de sa neutralité (malgré une invitation de la Confédération Paysanne en assemblée générale de l’ACB entendait-on grincer fin 2024).
Président du SGV en deuxième place de la liste FDSEA-JA pour la Marne, le vigneron Maxime Toubart reconnaît sa surprise de voir des vignerons issus de l’ACB et des Vignerons Indépendants soutenir des listes concurrentes. « Il faut être clair dans son projet et être organisé pour le défendre » commente-t-il, ajoutant qu’il « espère que l’on fera un maximum de voix. On a fait bon boulot jusqu’à présent et on continuera. »


Tête de liste pour la Confédération Paysanne de l’Aube, le vigneron Olivier Horiot défend un besoin de diversité dans le monde champenois : « il n’y a pas qu’un modèle. J’y attache de l’importance, je suis céréalier et éleveur. » Pour lui, c’est une « bonne chose qu’il y ait enfin des oppositions, d’autres viticulteurs dans les élections Chambre. Il n’y pas un syndicat unique, d’autres existent. » Défendant le pluralisme des projets agricoles, Olivier Horiot espère créer la surprise : « on verra aux résultats selon la participation. Dans tous les cas, on aura essayé. »
Alors que dans d’autres régions les Vignerons Indépendants s’allient plutôt avec la FDSEA (comme le président des Vignerons Indépendants de France, Jean-Marie Fabre, dans l’Aude), la fédération champenoise s’allie pour sa première participation à une telle élection à la Coordination Rurale. « On ne peut pas s’allier à une structure maquée au SGV » déclare Christine Sevillano, la présidente des Vignerons Indépendants de Champagne, ajoutant que « nous n’avons pas eu de propositions de places la liste FNSEA-JA et nous n’en avons pas demandé. C’est la Coordination Rurale qui est venue nous voir. Nous avons beaucoup de points communs dans l’indépendance. Pour nous, il faut faire vivre les récoltants-manipulants. Ils sont en danger. Leur spécificité de corps de métier doit être préservée. »
Soutenant pour la première fois une liste aux élections des chambres d’Agriculture, la fédération des Vignerons Indépendants de Champagne inscrit cette émancipation dans la lignée de son départ tonitruant du bureau du SGV en 2020 (entre critiques sur les rendements pendant la crise covid et appel à la suspension des cotisations) et de sa volonté de peser dans le paysage champenois en se positionnant sur les sujets de débats successifs (l’intégration des Vignes Semi Larges, VSL en 2022, l’interdiction des herbicides en 2023 et l’obligation des coiffes en 2024).
« C’est une nouvelle manière de faire. Porter la contestation d’une décision avec la création d’nu collectif pour marquer son opposition » analyse Maxime Toubart, répliquant que la Champagne « a un système démocratique qui permet à chacun de débattre. Je respecte la diversité, mais il y a une manière de faire. Historiquement, on a trois syndicats (JA, FDSEA et SGV) qui sont des syndicats représentatifs tournés vers le débat. Nous avons déjà des lieux de discussions. »


« Les équilibres champenois reposent aussi sur les minorités » estime pour sa part Christine Sevillano, pour qui « il faut pouvoir accepter que l’on ne soit pas toujours d’accord. Notre monde commence à manquer de cet art du compromis. »