u vin sec ou à l’eau ? C’est l’inévitable sujet de la rentrée : le Dry January. C’est une source de tensions qui horripile beaucoup dans le vignoble : parlez-en à un vigneron taillant sa vigne et le guyot simple vire au massacre à la tronçonneuse en hurlant au extra-dry january. C’est aussi une source d’ambition, qui fait rêver ceux qui se lancent dans le vin désalcoolisé : les sondages Dry January s’empilant tant qu’ils doivent en devenir enivrants. Le Dry January, effet de mode anglosaxonne infantilisant les citoyens pour les uns (en parant de vertus équilibrées une sobriété radicale après des excès de fin d’année) ou expression d’une tendance sociétale de fond pour les autres (la déconsommation n’étant pas saisonnière… et la consommation d’alternative sans alcool prenant plus le pas sur les vins que les bières et cocktails). Deux camps irréconciliables sont-ils en train de se former dans la filière vin, déjà si prompte à créer des chapelles (qu’il s’agisse de métiers, de signes de qualité, de certifications environnementales, sans parler de sulfites… et bien sûr de villages) ?
Pourquoi la filière vin ne pourrait-elle pas être les deux à la fois : dans une forme de Try January (une alternative sur l’essai de nouvelles choses, quelles qu’elles soient, comme une nouvelle cuvée alcoolisée ou non) ? « J'aime mieux être homme à paradoxe qu'homme à préjugés » écrivait Rousseau dans le livre II de l’Émile ou de l’éducation (1762). Pourquoi ne pas être simultanément critique de ce mois sans alcool venu d’Albion (qui ne fait que transposer le mois sans tabac en occultant la culture de la consommation modérée propre à l’art de vivre français) et lucide sur les évolutions de consommation (le vin n’est plus une boisson du quotidien, ayant évolué et devant encore changer, pour toujours accompagner les moments de partage et de convivialité) ?
L’unité des opérateurs de la vigne et du vin est d’autant plus importante que le dossier de l’alcool et de la santé redevient brûlant : les signaux d’alarme ne manquent pas dans le monde. Comme aux États-Unis où la révision des messages sanitaires sur les bouteilles suscite des projets d’étiquettes alertant sur le lien entre alcool et cancer. Mais aussi en Europe, les positions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) infusant auprès des politiques nationaux et communautaires (le rapport BECA et ses échos ne sont pas si lointains). On pourrait croire que les hygiénistes ont baissé les bras contre la reconnaissance des effets bénéfiques du vin sur les maladies cardiovasculaires et ne se concentrent plus que sur le risque de cancer… Quitte à oublier que l’on parle de pourcentages de prise de risque à relativiser avec la consommation modérée réelle en France. Si la filière vin ne peut être décemment opposée à la transparence auprès des consommateurs sur les risques de santé, elle ne peut accepter de se laisser embarquer dans la pente de la dénormalisation hygiéniste qui pave la route d’un objectif prohibitionniste.