’est ce qui s’appelle souffler le chaud et le froid. Voulant accomplir le rêve d’une partie de la filière vin, la proposition de loi du 19 décembre dernier « visant à assouplir les dispositions de la loi Évin sur la publicité du vin » portée par le député Christophe Barthès (Aude, Rassemblement National) estime que « retirer le vin de l’empire de cette loi est partagé par des élus ou anciens élus de tous bords politiques ».
Nettement plus suivie et transpartisane, la proposition de loi du 3 décembre « visant à protéger les jeunes des publicités en faveur de l’alcool » répondant aux souhaits des hygiénistes est portée par 114 députés majoritairement issus du Nouveau Front Populaires (partis Communiste, Écologiste, La France Insoumise, Socialiste…), mais aussi de l’ex-majorité présidentielle (Ensemble pour la République, Horizons, Modem…), ainsi que des non-inscrits et d’un signataire plus inattendu au vu de ses dernières prises de position : le député Yannick Neuder (Isère, Droite Républicaine) cardiologue et rapporteur du projet de loi sur la sécurité sociale pour 2025 qui s’était opposé à toute taxation comportementale du vin. « Avant de s’attaquer au Châteauneuf-du-Pape, commençons par contrôler la vente d’alcools forts et violents aux plus jeunes et arrêtons de taper sur nos viticulteurs » lançait-il ce lundi 4 novembre à l’Assemblée Nationale.


Une forme de nuance entre les alcools que semble reprendre la proposition de loi des 114 députés. Dans son article premier, le texte veut ainsi rendre « strictement interdite toute publicité et toute propagande, directe ou indirecte, pour des marques d’alcool, boissons alcooliques et boissons sans alcool* […] réalisée par des influenceurs sur les plateformes considérées comme réseaux sociaux » à l’exception des « influenceurs spécialisés dont le métier est lié à l’industrie des alcools ayant une Appellation d’origine protégée ou une Appellation d’origine contrôlée » ou les « influenceurs publiant de l’information œnotouristique ». Car « entre octobre 2021 et février 2023 sur les 7 000 contenus collectés par Addictions France, le champagne et le vin représentaient 1 053 contenus » détaille l'exposé des motifs du texte, estimant que « le secteur viti‑vinicole sera donc peu concerné par cette interdiction ».
De quoi mettre de l’eau dans une loi Évin durcie ? Par sûr que la prise en compte de l’amendement de 2015 sortant du cadre publicitaire la promotion touristique des régions viticoles ou la proposition de la sanctuarisation sur les réseaux sociaux des vins et spiritueux AOC (Armagnac, Calvados, Cognac, Rhum de la Martinique…) fassent passer la pilule aux vins à Indication Géographique Protégée (IGP) ou aux vins sans indication géographique (vins de France). Surtout que le reste du texte proposé par les 114 députés est nettement moins nuancé. Avec un article 2 interdisant toute publicité faisant référence aux alcools « dans un périmètre de 250 mètres aux abords des établissements d’enseignement scolaire ainsi qu’aux abords d’établissements recevant des personnes mineures ou à risque » ou que l’article 3 passe de 70 000 à 300 000 euros « le montant de la sanction en cas de non‑respect de la loi Évin » comme « celui en vigueur depuis 2002, n’est pas assez dissuasif »
« Le monde change et le marketing aussi » avancent les 114 députés dans leur proposition de loi, qui veut cibler la volonté des boissons alcoolisées de séduire de jeunes générationssur leurs canaux de communication numérique, alors que la consommation ne cesse de chuter. Une évolution que relève également le député Christophe Barthès, mais pour se focaliser sur les enjeux de déconsommation et arriver à un projet législatif radicalement différent. Pour l’élu languedocien, il est « erroné de mettre en avant une nocivité structurelle du vin. Certes, l’abus est nocif comme tout abus, mais aujourd’hui cette consommation demeure raisonnable » alors que « la consommation de vin est passée de plus de 20 litres par an et par habitant de 15 ans et plus, à 7 litres en 2011, tandis que la consommation de spiritueux ou de bières est restée identique sur cette période ».


Estimant que depuis son vote en 1991 la loi Évin est « un frein à la vente de vin » qui « n’a pas eu les résultats bénéfiques sur les consommations à risque qu’elle souhaitait combattre, et au contraire […] a favorisé par sa censure le choix des jeunes de se tourner vers des alcools plus forts », le député Christophe Barthès propose d’« assouplir ces dispositions » en deux article : le premier « supprime l’exhaustivité des modes de publicité, dont les conditions sont définies en Conseil d’État [et] permet la publicité du vin au sein des stades ou lors de manifestations sportives, comme ceci a déjà été le cas dans le passé », le deuxième « donne l’opportunité au Parlement de distinguer les cas de mortalité entre les la consommation d’alcools forts et de vin, et les évaluer » avec un rapport annuel (« estimant et mettant en relation la mortalité liée à la consommation de vin et la mortalité liée à la consommation d’alcools forts »).
En l’état, les deux textes sont au même stade : ils renvoyés à la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale. Avec un devenir des plus incertains dans le contexte politique actuel.
* : Les boissons à 0,0 degré d’alcool sont aussi dans le collimateur comme « dans de nombreux cas, les boissons sans alcool reprennent les codes graphiques des marques d’alcools connues » indiquent les 114 députés, ajoutant que « Santé publique France met en garde contre ces produits qui pourraient faciliter un passage à la consommation de boissons alcooliques. En effet, commencer par consommer les variantes sans alcool peut amener rapidement une entrée dans la consommation de la version alcooliques. Ces publicités pour les versions sans alcool ont donc le même potentiel incitatif à la consommation sur les jeunes. »