a ne manque jamais. Dès lors qu’il est question de "stabilisation tartrique éco-sélective" des vins en lieu et place de "stabilisation tartrique par électrodialyse", vous pouvez en être certain : vous entrez en plein dans le lobbying pour l’autorisation sur vin bio de cette technologie par son seul fournisseur œnologique : œnodia (250 caves équipées dans le monde de ses membranes de filtration tangentielle, ajustement de pH ou désalcoolisation), la division vin du groupe industriel Eurodia (Pertuis, Vaucluse). Répété san succès depuis 2019, ce rebranding de l’électrodialyse continue d’être martelé par œnodia et ses avocats, comme le député champenois Charles de Courson (Marne, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) qui, dans une question écrite à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, interpelle le gouvernement autant qu’il défend « le procédé de stabilisation tartrique éco-sélective […] pour prévenir le dépôt de tartre dans le vin de manière écologique […] sans intrants chimiques, économe en énergie [qui] est autorisé pour les vins biologiques aux États-Unis d'Amérique [mais] reste interdite pour la viticulture biologique européenne ».
Contacté, le cabinet de Charles de Courson indique avoir simplement réagi à une interpellation écrite d'œnodia pour avoir un éclairage ministériel sur un. Si cette nouvelle action de lobbying n’est pas particulièrement discrète, Yannick Le Gratiet, le directeur d’œnodia, assume « son travail de pédagogie pour exposer les avantages environnementaux de la stabilisation tartrique éco-sélective qui utilise le procédé d'électrodialyse pour les vins biologiques ». Citant le soutien des Vignerons Indépendants de France*, du Comité Européen des Entreprises du Vin (CEEV), de la Fédération Espagnole du Vin et de l'Association des Vins de Porto, le dirigeant défend une demande statégique pour toute la filière vin : « l'enjeu est de mettre les vignerons européens à égalité avec leur homologues dans le monde. La stabilisation tartrique éco-sélective est un procédé développé grâce à la recherche publique française par l'INRAE » (Institut National de la Recherche pour l’Agronomie et l’Environnement).
Ni pour, ni contre, bien au contraire
Si cette technologie se pare de toutes les vertus, pourquoi n’est-elle pas encore autorisée pour le vin bio ? « Il y a les pour et les contre sur le terrain, mais pour les instances du bio, il n’y a pas d’évolution. Les professionnels français réaffirment leur position : ils ne veulent pas porter la demande d'électrodialyse, mais ils ne s’opposeront pas si un autre Etat Membre la demande » détaille Valérie Pladeau, la chargée de mission économie et marché pour l’interprofession SudVinBio. L’ingénieur-conseil pointe que la base de l’interdiction de la technologie remonte à la mise en place du règlement européen définissant les vinifications bio en 2012 : « l’électrodialyse est une technologie corrective, modifiant la composition chimique. Les lignes réglementaires du bio ne vont pas vers la correction de la matière. »
Si l’électrodialyse pose des questions de philosophie de la bio sur les techniques membranaires, la pertinence de la stabilisation tartrique mérite aussi d’être remise en cause pour Stéphane Becquet, le directeur du Syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle-Aquitaine : « pourquoi dépenser de l’argent, des intrants et de l’énergie pour une stabilisation purement visuelle alors que la précipitation tartrique ne change rien à la qualité du vin ? Il faudrait un effort de la filière pour expliquer ces paillettes dans le vin. » L’éco-sélection serait-elle alors de sélectionner les techniques dispensables pour économiser écologiquement ?


« Si le dépôt de tartre n'altère pas la qualité du vin, il est un sérieux frein à l'export, les importateurs refusent systématiquement les lots de vin qui ont cristallisés » tranche pour sa part Yannick Le Gratiet, qui maintient que « le sujet dépasse largement Oenodia et pose la question de la place de l'innovation au service de la viticulture biologique. Des milliers de vignerons, de négociants, d'élus, partagent la nécessité de doter les vignerons bio européens des mêmes atouts en termes de stabilisation que leurs homologues américains par exemple. »
Des arguments qui lassent certaines figures de la bio : « c’est un lobbying lourdingue » soupire un ponte, reconnaissant que « les membranes se sont nettement améliorées et techniquement des arguments peuvent s’entendre. Mais ils n’ont pas respecté la structure de la filière en voulant forcer la main. Et pour qui est-ce nécessaire ? Les gros faiseurs, les petites exploitations en bio qui font le gros des volumes font peu de grand export et n’ont pas ces problèmes. » Ce que réfutent les vignerons indépendants*.
Limites
« Tout le cœur du débat est de savoir à partir de quel moment une membrane modifie la structure du produit » recentre Olivier Nasles, le président du Comité National de l'Agriculture Biologique pour l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO). Ne cachant pas être favorable à l’électrodialyse pour la stabilisation tartrique des vins, l’œnologue provençal pose ainsi ses limites à la bio : « soit c’est une technique physique et c’est autorisable, soit c’est une technique chimique et c’est interdit. Ce n’est pas plus compliqué pour moi. Je ne vois pas pourquoi [l’électrodialyse] n’est pas autorisée [pour les vins]. » Ça tombe bien, Yannick Le Gratiet ne baisse pas les bras et annonce qu’« œnodia poursuivra la mobilisation à leurs côtés, nourri par la certitude que la science finira par prouver l'intérêt de la stabilisation tartrique éco-sélective pour les vins bio.
* : Pour Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, « la stabilisation tartrique du vin est un moment aussi crucial que stratégique » alors que « les importateurs, distributeurs et consommateurs considèrent majoritairement comme un défaut les dépôts de tartre dans les bouteilles. Ceux-ci constituent une des premières causes de refus dans les échanges mondiaux de vin. Pour vendre nos produits, il faut donc les stabiliser. Pour ce faire, plusieurs procédés existent. La stabilisation tartrique éco-sélective, qui utilise le procédé d’électrodialyse –représente à nos yeux la technique la plus respectueuse de nos engagements et la plus efficace – n'est pourtant, à ce jour, toujours pas admise par le règlement bio européen. » D’où leur demande d’autorisation.