chaque foire aux vins son dossier dans la presse sur les coulisses peu reluisantes de la filière vin. Après le Canard enchaîné en 2023 ou Que Choisir en 2022, voici le numéro d’octobre de 60 millions de consommateurs qui passe au crible les résidus de pesticides de 40 bouteilles de vin de Bordeaux, Chablis, Côtes-du-Rhône et Muscadet, dont 10 vins bio et 8 cuvées certifiées Haute Valeur Environnementale (HVE). Si le mensuel titre à la une « des pesticides dans un tiers des références », son banc d’essai conclut pourtant que « les résultats sont corrects : les deux tiers de nos références ne contiennent pas de résidus. Pour le reste, il s’agit de très faibles quantités… mais la moitié des composés retrouvés sont classés potentiellement toxiques. » Sachant qu’à la détection de traces de produits Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques, la note ne peut être mieux qu’insuffisante.
Visiblement mi-figue mi-raisin face à ces résultats nuancés, la rédaction de la revue indépendante affirme sa « déception pour les vins certifiés HVE : bien que le cahier des charges limite l’usage de certains pesticides, nos analyses montrent la présence de composés toxiques. Les critères de ce label sont moins exigeants que ceux du label bio. » Mais d’après la notation de 60 millions de consommateurs, les vins HVE et conventionnels placent des vins dans le top 5 de chacune des régions analysées, témoignant d’efforts réels des opérateurs, au-delà du cadre du seul label. Demeure la sélection par 60 millions de consommateurs de quatre vins bio comme choix d’achat, « à déguster avec modération, en espérant que qualité intrinsèque rime avec qualité dégustative ». Les vins étant analysés, mais pas dégustés.


« Nous choisissons nos sujets selon l’actualités et les attentes du public. Le vin est un sujet à l’actualité forte en 2024** » indique à Vitisphere la rédaction de 60 millions de consommateurs (Institut National de la Consommation), précisant que « nos ingénieurs réalisent de manière régulière des essais comparatifs de produits et de services. Cette démarche a pour but d’éclairer le consommateur dans ses choix quotidiens. » Ayant fait appel à des « laboratoires indépendants et qualifiés à qui nous garantissons l’anonymat », le mensuel précise ne pas être « un organisme de contrôle. Nous nous référons aux réglementations en vigueur et nous n’hésitons pas à aller au-delà si cela est pertinent. » Ayant l’habitude de ces processus d’analyses comparatives, « les résultats pour chaque produit sont communiqués aux fabricants en amont de la publication. De même que les méthodes de mesure. Ils sont libres de nous faire de remarques » indique le mensuel.
« On ne nous a pas demandé notre avis. Pas le choix, l'échantillonnage n'est pas consultatif. Vous êtes juste informé que vous en faites partie » confirme Pierre-Henri Cosyns, vigneron bordelais dont le vin "la Part des astres" 2022 a été noté 17,4/20 par 60 millions de consommateurs pour ses analyses (pesticides et sulfites*). Ancien président du Syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle-Aquitaine, Pierre-Henri Cosyns estime que « pour Bordeaux, l'article est plutôt positif. Bordeaux a aujourd'hui 23 % de vignoble bio et la prise de conscience a été collective sur l'utilisation des pesticides. Finalement, on passerait aux Bordeaux Loving ? Ce serait bien vu le travail réalisé. » Et vu sa conviction que « la bio est la seule démarche de produit et qui interdit les produits de synthèse », le vigneron des Côtes de Bourg estime que « HVE était un mirage marketing et économique pour grand nombre de vignerons bio et conventionnels. Malheureusement, les moyens n’ont pas été mis, ça se termine en une nouvelle cotisation obligatoire, un prérequis pour commercer. »
* : 60 millions de consommateur a noté à 80 % selon les pesticides et 20 % pour les sulfites.
** : Le dossier évoque la nouvelle réglementation européenne sur l’étiquetage des informations de nutrition et d’ingrédients sur les bouteilles de vin.