oulant faire un exemple avec quatre premières poursuites en justice des vignobles abandonnés pour inciter à l’arrachage des friches alimentant la grogne de leurs voisins contaminés, la préfecture de Gironde fait dégoupiller la Confédération Paysanne. Regrettant dans un communiqué de ne pas avoir été convié à la réunion du jeudi 25 juillet ayant abordé le sujet, le syndicat agricole minoritaire tacle « la punition de 5 000 euros à infliger aux vignerons ruinés » et critique une initiative « à contre-temps. Elle n’aura aucun effet pour ce millésime avec la véraison qui est déjà là. Les dégâts du mildiou sont considérables mais irréversibles. » Contactée, la préfecture de Gironde précise que les procès-verbaux dressés s’intègrent dans la stratégie de lutte contre la flavescence dorée.
« Les contrôles et mesures prises par le Service Régional de l'Alimentation (SRAL), que ce soit administratives ou pénales, pour les vignes abandonnées sont toutes liées et fondées sur la gestion de la maladie de lutte obligatoire qu’est la flavescence dorée » indique l’administration, détaillant que « ces dispositions sont encadrées par l’arrêté ministériel du 27 avril 2021 règlement[ant] la mise en œuvre de la lutte contre la flavescence dorée et contre son agent vecteur sur le territoire national ». Notamment l’article 9, qui stipule qu’« en zone délimitée, toute vigne non cultivée située à moins de 250 mètres d'une vigne-mère doit être arrachée par son propriétaire ou détenteur. En zone délimitée, l'arrachage des vignes non cultivées peut être imposé par arrêté du préfet de région, après analyse de risque de la Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF). » Pour la Gironde, l’arrêté préfectoral modifié du 26 mai 2021 s’applique.


Sur ces fondements, des contrôles du SRAL ont été menés ces derniers mois sur des parcelles de six communes girondines (Plassac, Rions, Saint-Germain-du-Puch, Cabara, Loupiac, Monprinblanc et Saint-Aubin-de-Branne), où « il apparaît que les abandons sont plutôt anciens (plus de 5 ans) avec des parcelles en très mauvais état (arbres et arbustes dans les parcelles de vignes) où il est difficile d’y entrer, à l’exception de la commune de Rions où les abandons semblent plus récents (moins de 5 ans) » indique l’administration, qui a épinglé 26 hectares de friches dans 4 PV communiqués aux tribunaux judiciaires de Bordeaux et Libourne. La préfecture précise que « l’amende transactionnelle est de 5 000 €/ha mais elle est plafonnée à 5 000 € au-delà d’un ha. La mise en œuvre d’une procédure pénale peut tout à fait être menée en parallèle d’une procédure d’arrachage administrative. Les deux procédures ne sont pas liées. » Et la première procédure compte bien inciter à l’arrachage sans recourir à la deuxième : la préfecture mettant en avant les outils d’aide à l’arrachage, avec une deuxième vague de renaturation et des crédits carbones pour la forestation.
C’est la perspective de procédures administratives froides et coercitives qui inquiète Sandrine Babin, propriétaire d’une trentaine d’hectares de vigne en bio, « le travail de toute une vie », qui n’a « pas de vignes en chaume » actuellement, mais sait que des fermiers ne la payant déjà plus vont s’arrêter. « S’il faut payer 5 000 €, qu’ils viennent : je n’ai plus d’économie. C’est profondément injuste. On ne prend pas en compte l’humain » s’inquiète-t-elle, voyant de la violence administrative se rajouter à de la violence économique : « la propriété c’était mon complément de retraite, que faudra-t-il faire ensuite, vendre ma maison ? » N’ayant pas voulu arracher, Sandrine Babin partage le ressenti du peuple vigneron : « si j’arrache mes vignes, ça m’arrache le cœur. C’est terrible : ça va être une épreuve. Mais s’il faut passer par là, on y passera. Je comprends que les voisins ne veulent pas de maladie. Mais que l’on nous propose des solutions. C’est une situation que l’on n’aurait pas imaginée. On a déjà connu des crises, mais pas comme ça. »


L’outil de renaturation construit avec Alliance Forêt Bois ne convainc pas la Confédération Paysanne. « En présentant le boisement des parcelles viticoles abandonnées comme solution face à la banqueroute des vignerons, l’État entérine pour au moins 20 à 30 ans, la stérilisation de terres arables dont on aura bien besoin à l’avenir » tranche le syndicat, réitérant sa proposition de 2022 « d’un office foncier public, chargé de reprendre, remembrer, réaménager et diversifier l’ensemble du foncier agricole touché par la déprise ». Et la Confédération Paysanne de conclure : « une question se pose : cherche-t-on à résoudre la crise en enfonçant encore plus les plus faibles ? »