lus de 1 000 fûts de chêne se succèdent dans le chai de la maison de champagne Henri Giraud, à Aÿ. « Depuis 2016, nous n’utilisons plus une seule cuve en inox pour la vinification ou l’élevage des vins, uniquement des petits contenants » indique Sébastien Le Golvet.
Le chef de cave achète ses bois directement sur pied sur les coteaux de la forêt d’Argonne située à 70 km de l’exploitation. « Ses sols de glaise très pauvres donnent des chênes aux mailles serrées qui relarguent peu de tanins, détaille-t-il. Et nous y avons identifié dix terroirs donnant différents profils aux vins. Dans les fûts de la forêt de Chatrices, nous obtenons des vins vifs, très tendus, dans ceux de la forêt de la Contrôlerie, des vins fruités, avec des notes d’abricot, de mirabelle, dans ceux de la forêt de Valmy, on va être sur du velvet, du velours, des vins plus ronds… »
Chaque arbre acheté par la maison Henri Giraud auprès de particuliers ou de l’Office national des forêts est géolocalisé. Sébastien Le Golvet demande en plus à la merranderie de marquer les hauteurs de billon sur ses grumes. « Plus le billon est près du sol, plus il est marqué par le terroir » justifie-t-il.
Il fait fabriquer ses fûts par la tonnellerie de Champagne mais en assure lui-même la chauffe. Pour se rapprocher un peu plus d'une perfection sur-mesure, « tel l’alpinisme à la recherche de la dernière voie pour atteindre le sommet », Sébastien Le Golvet a eu deux idées : remplacer les fonds non chauffés des fûts et leurs tanins par des plaques de grès, et les chutes de chêne placés dans sa chaufferette par du binchotan. « J’ai découvert de charbon de bois blanc Quercus phillyraeoides au Japon, où nous exportons beaucoup. Là-bas, les grands chefs l’utilisent pour leur cuisson au barbecue à l’intérieur des restaurants ». Epicurien, Sébastien Le Golvet qui l’a d’abord testé pour faire cuire des côtes de bœuf avant de l’insérer dans sa chaufferette. « J’ai été bluffé par le goût de la viande » se souvient-il.
Comme il ne contient que du carbone, pas de goudron, le binchotan ne dégage aucune fumée quand il monte en température. « Il ne donne pas de notes indélicates de bacon au vin » constate le chef de cave, qui a chauffé trois fûts de la sorte. Sébastien Le Golvet a encore innové en insérant un tube rempli de craie champenoise au centre de sa chaufferette. « La craie augmente le tirage et me permet d’utiliser moins de binchotan, qui coûte très cher, explique-t-il. Et c’est un clin d’œil au terroir, et à mon épouse médecin morphologue et anti-âge à Reims qui a mis au point la crayothérapie ! »
Pour ne rien gâcher, la craie a donné des notes iodées et plus de longueur en bouche aux vins. « Les champagnes que j’ai vinifiés dans ces futs sont encore plus élégants » assure Sébastien Le Golvet, qui prévoit de recommencer et, fidèle à la devise d’Henri Giraud "Ne rien s’interdire, ne s’obliger rien. Faire du bon vin naturellement", il n’exclue pas d’autres essais dans l’année.