l y a huit ans, José Moreno, vigneron sur 50 ha à Fleury, dans l’Aude, a décidé d’arrêter de vinifier ses raisins pour les vendre sur pied. Dès lors, il s’est déchargé d’une partie du suivi de la maturité. « Je vends mes 20 ha de blanc au Mas La Chevalière et mes 30 ha de rouge aux Vignobles Jeanjean, explique-t-il. C’est donc à eux de suivre la maturité et de fixer la date de récolte selon leurs besoins. Dans ce but, ils font les deux premiers contrôles de maturité. Un mois avant la vendange, ils viennent effectuer le premier prélèvement et contrôler l’état sanitaire. Ils reviennent dix jours plus tard. Puis je prends le relais jusqu’à la vendange afin d’affiner la date de la récolte. Ils n’ont pas toujours la main-d’œuvre nécessaire et moi, je connais mes parcelles par cœur. Je procède donc à des prélèvements tous les huit jours que je dépose directement chez ces acheteurs pour les analyses des sucres, du pH et de l’acidité. »
À Castres, en Gironde, José Rodrigues, propriétaire du château de Castres, 30 ha dans l’appellation Graves, achète de la vendange sur 4 ha. « Que ce soit pour mes raisins ou pour ceux que j’achète, c’est moi qui suis la maturité. Pour les rouges, je commence à suivre l’accumulation des sucres et des tanins en mesurant l’IPT, dès le début de la véraison. Pour les blancs, j’attaque le suivi de maturité fin juillet, selon les températures. Dans les deux cas, je prélève toujours des grappes entières, en haut, au milieu et en bas de la vigne et des deux côtés du pied pour obtenir un échantillon le plus homogène possible. Dès que le degré potentiel souhaité est atteint, on passe à la dégustation des baies et des jus, avant de déclencher la récolte. »
À Cormot-Vauchignon, en Côte-d’Or, Étienne David, propriétaire du domaine de la Cozanne, vend chaque année l’équivalent de 3 ha sur les 8 qu’il exploite en agriculture biologique selon deux contrats différents : sur pied et au kilo. « Pour les raisins que je vends sur pied, c’est l’acheteur qui vendange. C’est donc lui qui suit la maturité et décide de la date de récolte, indique-t-il. Pour les raisins que je vends au kilo, c’est moi qui gère la cueillette. C’est pourquoi je fais les contrôles de maturité et fixe la date de la récolte. »
Pour les raisins vendus sur pied, une première visite des parcelles est organisée avec l’acheteur, juste après la fleur, pour que ce dernier ait une idée de l’état sanitaire et de la vigueur de la vigne. Puis Étienne David fait deux prélèvements de baies à huit jours d’intervalle, bien souvent entre le 10 et le 25 août, pour une vendange début septembre.
« Dans les vignes dont je vends la récolte au kilo, j’effectue également au moins deux prélèvements de 200 baies sur chaque parcelle, selon la date estimée de la vendange, ajoute-t-il. Lors du premier contrôle, je mesure simplement la concentration en sucre avec un mustimètre. Au deuxième prélèvement, je procède à une analyse complète – sucres, pH, acidité –, et je déguste les pépins pour la maturité phénolique. Cela me permet de définir l’ordre et la date de récolte de mes huit parcelles et d’en informer l’acheteur pour qu’il organise la réception. »
À Fleury, dans l’Aude, José Moreno confie que la date de la récolte émane le plus souvent d’une concertation entre le négociant et lui. « Théoriquement, le négociant devrait m’imposer une date de récolte mais, dans la pratique, on s’accorde. Comme j’ai une machine à vendanger, je vendange pour lui. Mais comme je fais aussi de la prestation de services, je ne suis pas toujours disponible le moment venu. Et récolter 15 ha de chardonnays, ça ne peut pas se faire une soirée », précise le vigneron.
La vente de raisins a le vent en poupe. « Il y a dix ans, en Bourgogne, cela représentait seulement 35 % des transactions. L’an dernier, c’était 50 % des transactions et, pour la prochaine vendange, la demande est en hausse. Mi-mai, les vignerons commençaient déjà à nous solliciter pour vendre leurs récoltes sur pied, alors que ce n’est pas dans leurs habitudes », affirme un courtier qui souhaite rester anonyme. Même constat en Languedoc. « Avec la crise, des vignerons n’auront pas la place pour rentrer leur récolte et n’ont pas d’autres choix que de vendre à la vendange. Mais la demande des négociants n’étant pas à la hausse, il risque d’être difficile de satisfaire tout le monde », affirme un autre courtier, qui souhaite également rester anonyme.