n 50 ans d’existence bordelaise, 1 480 étudiants ont obtenu le Diplôme Universitaire d'Aptitude à la Dégustation (DUAD). Lancé en 1974 par l’université de Bordeaux sous l’impulsion de sa figure tutélaire, le professeur Émile Peynaud, la formation « s’adressait aux personnes impliquées dans la production n’ayant pas eu de formation à l’œnologie et à la dégustation » rapporte le docteur Axel Marchal, son responsable pédagogique. Le professeur des universités à l’Institut de Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) reçoit une trentaine d’élèves par an sur 50 séances de travaux théoriques et pratiques, de début octobre à fin mai (soit 175 heures par an).
Maintenant son ADN d’« apporter des compétences en termes de dégustation », le DUAD a élargi en 50 ans sa cible, recensant « toujours des techniciens (ouvriers de chais, ouvriers viticoles, responsables techniques…) », mais aussi « des personnes impliquées dans la production moins en lien avec la pratique (directeurs généraux de crus, de caves coopératives ayant une formation plus commerciale) » et un élargissement aux « courtiers, négociants, cavistes, sommeliers, responsables d’œnotourisme… Toutes les personnes en lien avec le vin qui veulent avoir des compétences de dégustation. » Y compris des professionnels en dehors du secteur du vin : comme un architecte qui voulait en savoir plus pour alimenter ses constructions de cuviers, ou un chocolatier souhaitant mieux travailler ses recettes avec du vin… « Il y a vraiment des horizons assez différents, avec en commun une profession ou une passion aiguë » résume Axel Marchal.


Dans tous les cas, le DUAD « n’est pas un diplôme de géographie viticole » passant en revue les différents vignobles français et étrangers : son but est de « faire le lien entre la perception sensorielle des vins et son origine » pose l’enseignant-chercheur, qui travaille notamment sur le lexique de la dégustation. En la matière, la maîtrise du jargon vitivinicole est à manier avec prudence : « il est important de savoir parler entre experts quand il y a besoin [de termes techniques], mais aussi de pouvoir parler à des personnes qui ne sont pas expertes. Surtout quand on est sommelier ou caviste au contact direct du consommateur. On ne peut pas parler à un client de la même façon qu’à un vinificateur » développe Axel Marchal. Défenseur du qui-peut-le-plus-de-technicité-œnologique-peut-le-faire-comprendre-avec-le-moins-de-jargon-hermétique, le responsable pédagogique du DUAD est « convaincu que la connaissance apporte de la liberté et de la capacité de s’adapter ».
Autre point crucial pour les enseignants de la formation : « nous répétons que le dégustateur de vin parfait et doué n’existe pas. Il y a le travail, la variabilité interindividuelle… Il faut se décomplexer ! Il n’y a pas de sachant qui a un jugement universel et un apprenant dont l’avis n’a pas de valeur » plaide Axel Marchal, pour qui « on peut se découvrir très sensible à la béta-ionone et son arôme de violette, comme on peut être insensible à l’éthylphénol. C’est l’intérêt de permettre au dégustateur de se découvrir et de découvrir ce qu’il y a dans le vin. » Suivant les tendances de la filière vin (comme le vin nature, étudié à l’aveugle pour éviter les biais positifs comme négatifs), le DUAD se garde de tomber dans les modes terminologiques : minéralité, buvabilité… Pour préférer la rigueur d’un vocabulaire plus intemporel et universel. Car « quand une personne s’embrouille dans la description d’un vin et dit "je me comprends", c’est un aveu d’échec. Quand on parle, c’est pour être compris » pointe Axel Marchal. Et ce sans la grande pompe de la technicité ronflante, sinon « on tombe dans la caricature du film l’Aile ou la cuisse : "un peu de pourriture noble en suspension…" Ce qui fait sourire le novice, mais le conforte dans l’idée que le vin c’est une fumisterie où l’on raconte ce que l’on veut. »
Le sujet sera évoqué ce jeudi 4 juillet lors d’une journée de célébration des 50 ans du DUAD à l’ISVV (Villenave d’Ornon). Une table-ronde se penchera notamment sur la façon de parler du vin en 2024, avec le professeur Philippe Darriet (le directeur de l’ISVV), la vigneronne Christine Vernet (Côte-Rôtie), le sommelier Xavier Thuizat (meilleur sommelier de France 2022), la critique Jane Anson (ex-Decanter) et le chroniqueur François-Régis Gaudry (France Inter).
Pour les candidats intéressés, le DUAD est ouvert aux titulaires du bac sur dossier (selon le parcours, l’expérience professionnelle et les objectifs de chaque candidat). « Il faut une adéquation pour nous entre les objectifs professionnels et le DUAD, pour que ce soit utile » complète Axel Marchal.