aurent Paupelard, directeur technique et développement de chez Soufflet Vigne, constate, depuis quelques années et sur l’ensemble des régions viticoles, «un véritable engouement pour les apports d’acides aminés, de bore, de zinc et de manganèse, en soutien du cycle végétatif pour éviter les accidents de floraison.»
À Chablis, Charles Hugo, le directeur vignoble du domaine Jean-Marc Brocard, est convaincu de l’intérêt d’une telle pratique. Depuis quelques années, il applique un programme bien établi sur ses 200 ha de chardonnay : «On ajoute 1,5l/ha de bore et de manganèse à la bouillie de traitement pour favoriser la fécondation, juste avant et après la fleur. En 2012, on avait mené un essai sur une parcelle de 11 ha avec un témoin non traité et, à la vendange, on avait observé une vraie différence de poids des grappes, avec plus 20% de baies en moyenne, alors que le printemps froid et pluvieux n’avait pas facilité la fécondation.»
Au sein du groupe Bordeaux Vineam, en Nouvelle-Aquitaine, le programme de fertilisation foliaire est bien établi : «Des microdoses de sels de magnésium, de manganèse, de calcium et de potassium en accompagnement des premiers traitements cupriques. Un soupçon de bore en encadrement de la fleur. Et, si besoin, selon le résultat d’analyses pétiolaires, jusqu’à trois applications supplémentaires de 5l/ha d’azote sur les parcelles en manque de vigueur.»
«Cela fait huit ans que l’on applique cette stratégie pour nos six châteaux dans le Médoc, l’Entre-Deux-Mers ou le Sauternais, détaille Gilles Bayle, le directeur des domaines. Depuis le stade 3-4 feuilles étalées jusqu’à la fin de la floraison, on ajoute entre 0,2 et 1,5kg/ha de chaque élément à chaque traitement pour accompagner le développement végétatif de la vigne. Et au moment de la fleur, du bore pour favoriser la fécondation.» Depuis que cette stratégie est en place, Gilles Bayle trouve que les vignes sont plus vigoureuses et cela se ressent dans les rendements.
Du bore pour limiter la coulure ? Aline Buffo, conseillère viticole indépendante en Gironde, est sceptique. «Les carences en bore et en zinc sont extrêmement anecdotiques dans le vignoble girondin, assure-t-elle. Et l’intérêt du bore pour éviter la coulure n’a jamais été clairement prouvé. Il a été démontré en laboratoire mais, sur le terrain, les essais n’ont jamais été très concluants. Ce n’est pas si simple de pulvériser le produit au bon endroit, au bon moment. D’autant plus que les vignerons mélangent les engrais foliaires avec les produits phyto qu’ils appliquent sous forme d’un brouillard de fines gouttelettes, alors qu’en fertilisation foliaire il faudrait de la grosse goutte pour une meilleure couverture.»
Dans le Languedoc-Roussillon, la SRDV a mis en place un essai d’apport foliaire de zinc sur des parcelles de grenache, dans les secteurs de Portel, Boutenac et Narbonne. «L’objectif est de limiter la coulure sur ce cépage qui y est particulièrement sensible et qui n’assimile pas bien le zinc, explique Clotilde Aschero, ingénieure agronome au SRDV. L’année dernière on a procédé à trois apports foliaires avant la fleur, à la dose de 350g à l’hectare puis 700g/ha. Nous avons analysé les pétioles tout au long du cycle végétatif pour suivre l’assimilation de cet élément par la vigne. Cette année, on prévoit d’appliquer le même protocole. Et, outre l’analyse pétiolaire, nous ferons des comptages de baies pour voir l’influence des apports sur la coulure et des contrôles de maturité.» Reste à voir si les premiers résultats observés en 2023 se confirmeront.